Henry Ford est un homme qui aime révolutionner le monde qui l’entoure, son nom restera attaché au fordisme qui consiste en une méthode de travail à la chaîne qu’il met en œuvre dans ses usines pour devenir le plus grand constructeur mondial d’automobiles. Egalement soucieux de son indépendance économique, Ford contrôle l’ensemble du processus de production d’une automobile sans intermédiaire. Et c’est cette maîtrise qui le conduit à réfléchir à de nouveaux matériaux pour ses automobiles, dont le chanvre pour la carrosserie, une idée concrétisée en 1941 avec la « Ford Hemp Body Car ».
Avec le fordisme qu’il institue dans ses usines dès les années 1910, Henry Ford démocratise l’automobile : la production à la chaîne d’automobiles permet de diminuer le temps et les coûts de construction, et de réduire le prix de vente au final. La Ford T est ainsi écoulée à plusieurs millions d’exemplaires et Ford est rapidement présent sur l’ensemble des continents. Si Ford envahit le monde en implantant des usines ici et là, aux Etats-Unis, Ford se replie sur lui-même et sur son important complexe industriel de Dearborn dans le Michigan.
Imaginez, dès les années 1920, Ford contrôle l’ensemble du cycle de production d’une automobile en partant de la matière première avec un recours très limité à d’autres entreprises. Ford est propriétaire de quelques mines, s’essaye aux plantations de caoutchoucs, dispose d’une entreprise de chemin de fer, d’une aciérie… Jamais un constructeur n’aura un tel développement dans la maîtrise du processus de fabrication d’une automobile.
Ford dispose également de quelques exploitations agricoles et se met à la recherche de nouveaux matériaux pour les utiliser sur ses automobiles avec le postulat de départ que la production agricole produit certes des denrées alimentaires mais aussi des excédants. Dès les années 1910, le gluten de blé renforcé avec de l’amiante permet déjà de produire des boîtiers de protection du ressort de démarrage sur la Ford T ! Puis dans les années 1920, Ford s’intéresse au Soja dont l’huile qui en est extraite sert dans les peintures ou dans divers produits visqueux. Mais surtout, la farine de soja permet de produire du plastique, un matériaux qui s’avère léger et résistant.
Nous sommes déjà dans les années 1930 et cette découverte intéresse au plus haut point Henry Ford, qui demande à une équipe d’ingénieurs de développer une voiture dont la carrosserie serait issue de produits naturels. Les chimistes de chez Ford essayent alors de trouver la meilleure composition pour concevoir un matériaux utile pour la carrosserie, celui-ci est réalisé en combinant la farine de soja aux fibres de chanvre. Le chanvre avait convaincu Henry Ford par son rendement sa croissance très rapide, il y voyait même à terme une ressource susceptible de remplacer le métal.
Finalement, Ford tient son pari et présente sa voiture à carrosserie plastique le 14 Août 1941 à Dearborn , c’est la Ford Hemp Body Car. Certes, la voiture ne peut se passer du métal pour la châssis ou encore pour l’armature sur laquelle se greffa la carrosserie, car le plastique avait un défaut : la rigidité n’était pas assurée. Sur ce prototype, c’est en tout quatorze panneaux constitués de plastique naturel d’une épaisseur de 4,76mm qui forment la carrosserie, la voiture affiche un poids total de 1.043kg, soit un tiers de moins qu’une voiture en acier de taille équivalente. Aussi, la Ford Hemp Body Car s’équipe d’un V8 de 60Cv qui fonctionne avec de l’éthanol issu de la production de chanvre lui aussi !
Quant à Henry Ford, il présente la carrosserie en plastique végétal comme un matériaux qui permet un gain de poids tout en étant plus léger que l’acier, d’ailleurs, il s’amuse à le prouver en frappant à la masse un élément de carrosserie réalisé en plastique sur sa voiture personnelle. Et quand on lui parle de prix, Henry Ford annonce que le plastique coûte certes plus cher à produire que l’acier, mais permet des économies sur la peinture et la finition. Quant à la commercialisation, Ford annonce qu’il pourrait produire une telle voiture dès 1943 à un prix de 900$ alors qu’un modèle équivalent était facturé 1.350$.
Si tous les voyants semblaient au vert pour produire un tel véhicule, l’attaque de Pearl Harbor par les japonais marque l’engagement des Etats-Unis dans la seconde guerre mondiale, l’industrie américaine se convertie pour fournir l’effort de guerre. Ceci envoie la Ford Hemp Body Car aux oubliettes. Et si une production aurait pu être lancée après guerre, le lobby des aciéristes se protégea et fit passer une loi contre la culture du chanvre, une plante assimilée à une drogue… Quant à la Ford Hemp Body Car, elle aurait été détruite au cours d’une accident… Non, n’y voyons pas de cause à effet !