Lors du salon de Genève 1976, Lancia dévoile la Gamma, sa nouvelle berline haut de gamme. Le constructeur italien, toujours à part sur la planète automobile, dévoile une berline avec une forte personnalité, dont l’ambition est d’aller déloger les berlines allemandes…
Sans refaire toute l’histoire de Lancia, ce constructeur s’est toujours démarqué avec sa production de voitures luxueuses et sportives, en utilisant des solutions techniques et des formes en décalage avec la concurrence. Après la seconde guerre mondiale, Lancia connait des difficultés financière et passe dans de nouvelles mains en 1956, celles du cimentier Italcementi, qui lui même cède le constructeur en 1969 faute d’avoir pu retrouver la rentabilité.
Lors de sa prise de contrôle, Fiat conserve l’autonomie de Lancia et y injecte de l’argent pour renouveler la gamme. La Beta arrive dès 1972, berline de milieu de gamme, et un projet de berline haut de gamme est dans les cartons, la future Gamma. Cette étude va bon train, des accords sont signés avec Citroën, constructeur sur lequel Fiat a des vues et qui renouvelait lui aussi son haut de gamme, alors nommé DS. Lancia chercher à frapper les esprits, on étudie notamment l’implantation d’un V6, l’intégration d’une suspension hydropneumatique sur le train arrière…
Malheureusement, le gouvernement français stoppe net le projet de rachat de Citroën par Fiat en 1972, chez Lancia, on doit alors reprendre le projet de berline en y enlevant les composantes d’origine française. Mécaniquement, Lancia opte pour le boxer quatre cylindres, une architecture connue du constructeur italien qui présente l’avantage d’abaisser le centre de gravité de la voiture. La suspension, elle, est classique avec le système McPherson à l’avant et ressorts à l’arrière.
Pour le style extérieur, Lancia fait appel à Pininfarina qui recycle le projet « Berlina Aerodinamica » réalisé sur une BMC 1800 et fut rejeté par les anglais. Cela débouche sur une berline à deux volumes, une solution rare sur un segment où la longueur du coffre était un argument de vente, seules les Rover SD1 et la Citroën CX avaient pris cette option. La Gamma est une vraie berline à quatre portes, la malle de coffre n’étant pas un hayon (tout comme la Citroën CX…).
Dévoilée dans le cadre du salon de Genève 1976, la Lancia Gamma marque les esprits d’autant que Pininfarina dévoile, en même temps, un coupé réalisé sur cette base. Avec sa ligne moderne, son quatre cylindres à plat de deux litres en Italie, 2,5 litres à l’exportation, l’adoption de la traction, une boite cinq de série, une tenue de route parmi les meilleures de son segment et un équipement généreux sont autant d’atouts pour envisager une excellente carrière, d’autant que sa rivale directe, la Fiat 130, est en fin de carrière et n’a pas connu le succès escompté, laissant un boulevard à la Gamma.
Si les premières berlines Gamma sont livrées à leurs premiers propriétaires courant septembre 1976, la berline reçoit les éloges de la presse entre temps, notamment grâce à sa tenue de route et à son confort. Direction assistée, freinage à disque sur les quatre roues sont de la partie, tandis que le tableau de bord offre une instrumentation complète à son conducteur et les passagers bénéficient de fauteuils confortables, d’appuie-têtes et de vitres électriques. On note l’effort de Lancia de faciliter la vision arrière du conducteur par le biais d’une petite fenêtre placée sur la malle de coffre et cachée par un enjoliveur en plastique.
Toutefois, pour la presse, si la Gamma doit recevoir une critique, c’est bien sur ses moteurs, des quatre cylindres alors que les rivales germaniques proposent généralement un six cylindres en ligne sur le segment des berlines haut de gamme. Pourtant, les boxers Lancia proposaient puissance, souplesse et légèreté. En Italie, pour des raisons de fiscalité, la Gamma n’est disponible qu’en 2,0 litres pour une puissance de 120Cv et une vitesse maximale à 180km/h, le reste de l’Europe bénéficie d’un 2,5 litres de 140 Cv pour 190km/h. En revanche, la consommation n’est pas un fort de la voiture qui affiche facilement un 17 litres aux 100km.
Hélas, les premières Gamma souffrent d’un défaut de conception que les ingénieurs n’ont pas vu – ou plus certainement, que les conséquences ont été minimisées – : la pompe de direction assistée est commandée par la courroie de distribution de gauche. Si le conducteur s’arrête, roues tournées, et redémarre son moteur, la pompe de direction délivre sa puissance maximale faisant sauter la courroie de distribution. Pendant un an, on laissa le problème aller, pensant que les cas étaient isolés, mais ces longs mois feront naître l’image d’une voiture peu fiable… Il faudra attendre fin 1977 pour un correctif.
Dès 1978, les ventes de la Gamma retombent, au point que la gamme est modifiée en 1981 pour laisser place à la Série 2, et espérer une relance du modèle. Le moteur 2,5l est désormais alimenté par une injection Bosk LE-Jetronic, une boite automatique est disponible en option, l’habitacle reçoit un nouvel intérieur et une montre digitale, l’extérieur voit une nouvelle calandre chromée et des jantes 15 pouces.
Rien n’y fait, la Gamma souffre d’une image trop écornée pour refaire surface, d’ailleurs, les concessionnaires sont de plus en plus réticent à l’exposer et nombre de Gamma restent sans preneur sur le marché de l’occasion. En Janvier 1984, Lancia annonce l’arrêt de la Gamma – certains évoquent un arrêt de production au cours de l’été 1983 – pour laisser la place à la nouvelle Thema. Jusqu’à l’écoulement des stocks en 1985, Lancia n’écoula que 15.272 berlines, auxquelles s’ajoutent 6.789 coupés.