Si luxe est un synonyme de Delahaye, ce constructeur n’a pas limité sa production aux voitures haut de gamme, et comme tant d’autres, Delahaye a aussi produit des poids lourds et divers véhicules utilitaires. La firme était même un spécialiste des véhicules de lutte contre l’incendie. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les dirigeants de Delahaye imaginent un véhicule situé entre la voiture légère et le camion léger, qui se destine avant tout vers les colonies : ce fut le Delahaye 171.
L’idée d’une voiture pour les colonies ne vous rappelle-t-elle pas quelque chose ? La Renault Colorale bien sur ! L’idée de cette voiture germe dans la tête des dirigeants de la Régie Renault en même temps que Delahaye préparait son Type 171. Il faut dire qu’au lendemain du conflit mondial, l’heure est à la reconstruction, et si les colonies sont relativement épargnées par cet effort, l’exploitation des matières premières pourrait permettre à la France de se relever. Mais pour cela, encore faut-il motoriser convenablement les colonies, et avec l’absence d’un réseau routier digne de ce nom, c’est un véhicule spécifique qu’il faut proposer. Mais si la Renault Colorale et la Delahaye Type 171 ont la même philosophie, elles ne sont toutefois pas des concurrentes directes, la Delahaye étant plus grande et visant plus à concurrencer les Dodge.
Voir Delahaye investir sur ce créneau peut paraître surprenant aux premiers abords mais Delahaye avait une certaine expérience dans le poids lourds d’une part, et d’autre part, le marché des voitures de sport et de luxe avait du mal à reprendre à la fin des années 1940. De l’autre côté, le marché des utilitaires était un secteur plus stable et aucun constructeur n’était présent sur le marché de la voiture coloniale, de quoi s’assurer de la rentabilité du projet. Et n’oublions pas qu’à la même époque, Delahaye avait été missionné par l’armée française pour réaliser la Jeep Française, qui deviendra Delahaye VLR en 1951.
Ainsi, avec la Type 171 et la VLR, Delahaye faisait un coup double : un véhicule à quatre roues motrices avec le VLR, et une voiture à garde au sol rehaussée et disponible en plusieurs variantes de carrosseries avec la Type 171. Sous le capot de cette dernière, Delahaye y loge un six cylindres en ligne cubant 3.557cm3, issu de la Type 135M mais retravaillé afin de fonctionner avec de l’essence de qualité inférieure. Ce bloc développait entre 80Cv et 100Cv selon le taux de compression, de quoi permettre de transporter 1.000kg de charge utile et de rouler jusqu’à 90km/h.
Le Delahaye Type 171 est présenté pour la première fois lors du salon de l’automobile de Paris d’Octobre 1949, mais de façon discrète sous la forme d’un prototype qui se fond sur le stand des utilitaires de la marque, le grand public ne le remarque pas. Delahaye le présente réellement l’année suivante avec un « Pick-Up de Brousse », mais le véritable démarrage de la promotion du Type 171 a lieu lors du rallye Méditerranée-Le Cap qui se court entre le 31 Décembre 1950 et le 20 Février 1951, 14.394km d’épreuves aux termes desquels le Delahaye Type 171 chapeaute le classement individuel et celui par équipe.
Toutefois, la commercialisation du Type 171 avait déjà débuté, en version pick-up dont le millésime 1950 se reconnaît par sa benne étroite, qui plus tard sera plus large et recouvrant les passages de roue. D’ailleurs, bien qu’étant un utilitaire, le Delahaye Type 171 bénéficie d’un catalogue aussi bien présenté que les voitures de luxe de la firme, preuve que Delahaye mise sur les utilitaires, preuve aussi que le marché de l’automobile de luxe décline en France. De plus, l’habitacle du Type 171 est bien traité pour un utilitaire tout en respectant les impératifs de solidités : sol en caoutchouc, contre-porte en métal peint…
A partir de 1952, le Delahaye 171 se décline en break 9 places. La présentation de la 171 Break n’évolue guère si ce n’est l’apposition d’un écusson Delahaye sur la calandre.
Cependant, si ce véhicule était destiné aux colonies, le même reproche qu’à la Renault Colorale lui est fait : l’absence de transmission 4X4, ce qui ne permet pas de faire travailler intensément le Type 171 ou de l’emmener sur des chemins escarpés. Quant à la commercialisation du modèle, elle dure jusqu’en 1954, et malgré un démarrage laborieux, la Type 171 arrive à un rythme élevé d’une trentaine d’exemplaires par mois entre 1951 et 1952, mais le marché très limité visé par la Type 171 se dégonfle, et seuls 28 exemplaires sont écoulés pour le millésime 1954.