Jusqu’au rachat par Renault, Dacia était un constructeur automobile indépendant mais, comme souvent à l’est, dépassé sur le plan technique. Preuve en est, le principal produit de Dacia était encore, au début des années 1990, la 1300 et ses nombreuses déclinaisons…
Inutile de retracer l’histoire du constructeur Dacia dans les détails (lire aussi : l’histoire de Dacia), mais la 1300 aurait du être la première voiture du constructeur roumain. En 1966, après voir un temps opté pour Peugeot, puis Morris, le gouvernement roumain choisi la marque Renault pour apporter son soutien technique au futur constructeur national, volonté de Nicolae Ceausescu, arrivé au pouvoir en 1965, pour ne plus dépendre de la tutelle soviétique.
L’accord signé en l’Etat roumain et Renault porte sur la production sous licence d’une berline familiale, si un temps la Renault 10 fut envisagée, les roumains imposaient à Renault de maintenir la production du véhicule pendant 10 ans dans sa gamme, or, la voiture était en fin de carrière et sur le point d’être remplacée. Jouant le tout pour le tout, Renault propose ainsi sa future berline, la R12.
Renault proposant une voiture moderne (pas encore sortie), la construction d’une usine sous la supervision de ses cadres, la formation des premiers roumains en France, les roumains ne pouvaient qu’accepter cette offre. Pour mettre toutes les chances de son côté, l’Etat français (rappelons le, propriétaire de Renault) met également la société Elf (également la propriété de l’état) à contribution pour acheter du pétrole roumain.
Si l’accord est favorable aux roumains, c’est qu’il est tout autant pour les français. Renault, tout d’abord, engrangera pendant dix ans des royalties de la part de Dacia, et l’usine roumaine devant être indépendante de l’ouest en produisant ces propres pièces détachées, Dacia pourrait être mise à contribution pour fournir l’ouest tant en voitures qu’en pièces détachées et soulager les usines françaises dont les cadences sont proches des capacités maximales. Outre le plan économique, la France, initiant une troisième voie après les Etats-Unis et l’U.R.S.S., celle des non-alignés, elle y trouve là un partenaire au sein même du bloc de l’Est.
L’accord entre Renault et l’état roumain est scellé courant 1966, des lors, une usine est mise en construction dans la région de Pitesti, sous la supervision de Renault. Si la Roumanie n’a pas le niveau technique de la France des années 1960, la volonté des roumains est telle que l’usine sort de terre dans des temps records, si bien que tout est prêt pour qu’une production soit lancée à l’été 1968. Toutefois, la Renault 12 est encore en cours de développement et ne devrait pas arriver avant une année. Pendant ce laps de temps, Renault fourni des Renault 8 à assembler qui deviendront localement Dacia 1100.
En 1969, la Renault 12 est présentée lors du salon de Paris courant septembre, la Dacia 1300 est présentée simultanément lors de la Foire de Bucarest. Preuve de la coopération entre Dacia et Renault, la production de la Dacia 1300 a débuté le 20 août 1969, de sorte à alimenter le marché roumain à peine la voiture présentée. Soeur quasi jumelle de la Renault 12, la Dacia 1300 s’équipe du quatre cylindres « Cléon-Fonte » de 1.289cm3 pour une puissance de 54Ch.
Aux débuts de la Dacia 1300, la majeure partie des composantes provenait encore de France, ce n’est que petit à petit que l’usine produira les différents éléments, de sorte à acquérir une totale indépendance à court terme. C’est ainsi que Dacia commence à prendre quelques libertés en améliorant la Dacia 1300, dès 1970, la 1300 Super offre une finition améliorée. Cette montée en gamme s’accompagne avec la Dacia 1301, une Renault 12 TS réservée aux dignitaires du régime roumain ou à la police politique, elle se dote, entre autre, des jantes « Fergat » et peut se parer d’une robe noire, inconnue en France.
En 1973, la Dacia 1300 break fait enfin son apparition, le modèle ne déchaine pas les passions et les ventes de cette variante demeurent anecdotiques. C’est aussi à partir de ce moment là que les premières dissensions naissent entre les français et les roumains. Si Dacia avait l’autorisation d’exporter ses production, notamment vers la Yougoslavie et la Turquie, le nombre d’exemplaire exporté reste vague, de sorte que la Régie Renault doute qu’on lui verse l’intégralité des commissions. Aussi, la qualité des pièces détachées expédiées vers l’Ouest n’est pas à la hauteur des espérances, à cause de travailleurs forcés…
Il faut attendre 1975 pour voir Dacia prendre de réelles libertés, outre la qualité du métal utilisé revu à la baisse, le constructeur roumain présente cette année la Dacia 1302, version pick-up de la 1300. Pas réellement prévue au programme, Renault n’en tiendra pas rigueur à Dacia et proposa même aux roumains d’élargir leur offre d’utilitaire en proposant l’Estafette, devenue Dacia D6.
Malgré les apparences, Renault juge peu fiable son partenaire, les syndicats et le monde politique termina de mettre au ban la Roumanie, accusée d’avoir réalisée une fausse dissidence avec Moscou pour percer vers l’Ouest. En 1978, lorsque arrive le terme du partenariat entre Renault et Dacia, et malgré une volonté affichée de Renault de proposer la R18 aux roumains, rien n’est conclu. Dacia fait désormais cavalier seul.
Dacia n’avait plus besoin de Renault, la 1300 étant alors entièrement produite à partir de pièces roumaines. En 1979, pour les dix ans de sa berline, Dacia offre un restylage à sa voiture qui porte l’appellation 1310. Le plastique fait son apparition en force : calandre, double phares, pare-chocs… Aussi, Dacia peut librement exporter ses productions commence alors une timide diffusion en Belgique, puis au Royaume-Uni à partir de 1982, Israël et même le Canada. Pour le millésime 1981, Dacia bricole une version coupée de la 1310, la Dacia 1410 Sport, équipé le moteur de 1,4 litres proposant 65Ch, un produit destiné pour l’export qui resta cantonné à la Roumanie.
En 1984, Dacia offre une nouvelle modernisation à la gamme 1310 avec des boucliers plus épais, et l’offre de moteurs élargie : 1,2 litres de 42Ch (Dacia 1210), 1,3l de 54Ch (Dacia 1310) et le 1,4 litres de 63Ch (Dacia 1410 donc). Cette même année, le pick-up 1302 laisse sa place au pick-up 1304 désormais disponible en version plateau (Dacia 1305) et châssis-cabine. Si ces modèles réussissent en Roumanie, à l’export, c’est le bide total, les exemplaires vendus se compte bien souvent en quelques dizaines d’unités.
N’ayant pas les moyens de développer une nouvelle voiture, Dacia décline encore et toujours la R12 à différentes sauces. Pour tenter d’exporter ses productions, Dacia décline la 1310 en une version à cinq portes avec hayon, sans se soucier de l’esthétique. C’est ainsi qu’apparait la 1320 en 1987, dont le physique ingrat ne lui permettront d’obtenir de trop rares ventes, y compris en Roumanie (2.567 exemplaires produits) et même avec une version à la présentation améliorée (Dacia 1325). En 1988, Dacia signe un partenariat avec Volkswagen permettant de proposer une mécanique Turbo-Diesel de 70Ch sur la 1310.
Et déjà, nous voilà en 1990. Le bloc soviétique se délite et le régime de Ceaucescu tombe, la Roumanie n’a d’autre choix que d’entrer dans l’ère de l’économie de marché. C’est cette même année que Dacia procède au restylage de la gamme 1310, la voiture s’offre une face avant plus conforme aux tendances du moment, des boucliers en matériaux composites teints couleur caisse, et la gamme de motorisation est chapeautée par un 1600cm3 de 72Ch. A partir de 1995, Dacia offre une nouvelle berline, la Nova, qui n’efface pas pour autant la 1310 de la gamme Dacia.
En 1999, en même temps que l’entrée de Renault au capital de Dacia, le dernier restylage de la 1310 est opéré pour lui faire passer le cap de l’année 2000, la voiture reste disponible tant en version berline et break jusqu’à l’arrivée de la Logan en 2004. En réalité, avec la nouvelle génération de berline Dacia (Nova, SuperNova et Solenza), la gamme 1310 n’avait un véritable intérêt dans ses versions utilitaires qui trouvent leur public dans les année 1990, poussant Dacia à en ettofer la gamme.
Ainsi, aux côtés du pick-up 1304 (et du plateau 1305) qui bénéficient des évolutions de la berline, arrivent un pick-up 1307 disponible en simple ou double cabine, ainsi qu’en version quatre roues motrices, et un pick-up 1309 qui reprend la carrosserie de la 1310 break dont le pavillon au-dessus du coffre est retiré. Renault leur fournira même le 1,9D pour terminer leur carrière. Les versions utilitaires de la gamme 1310 survivent jusqu’en 2006 et sont directement remplacées par les versions utilitaires de la Dacia Logan.
Produite de 1969 à 2006, la famille des Dacia 1300 et 1310 compte presque deux millions d’unités toutes versions confondues (1.959.730 unités pour être précis), un score honorable pour Dacia, même sur une carrière longue de 37 ans. Inutile de vous dire que la Dacia 1300 a marqué le paysage automobile roumain, même si tous les exemplaires n’ont pas survécu en raison d’une qualité de production approximative, raison de son échec à l’export…