Les années 1930 sont difficiles pour l’industrie automobile, en France, le géant Citroën a frôlé la disparition en 1934, et du côté des constructeurs d’automobiles de luxe, certains disparaissent tandis que d’autres essaient de garder la tête hors de l’eau, parfois en s’essayant sur de nouveaux créneaux, où comme certains, en adoptant des carrosseries venant d’autres constructeurs, comme La Licorne qui reprend les caisses de la Citroën Traction pour sa Rivoli.
Avec le krach boursier de 1929, nombre de familles perdent leurs richesses, la consommation diminue automatiquement. Chez les fabriquant d’automobiles de luxe, les commandes chutent, entraînant la disparition de certains acteurs, tandis que d’autres se font racheter. Ceux qui restent indépendant doivent lutter pour survivre, et dès la seconde partie des années 1930, le marché voit apparaître de drôles de montage : certains constructeurs achètent à d’autres des carrosseries pour y implanter leurs mécaniques. Le marché français voit ainsi apparaître des clones plus ou moins modifiés…
L’une des premières créations de ce genre fut la Rivoli du constructeur Corre La Licorne, ce dernier avait été fondé en 1901 et était basé dans l’ouest parisien, comme nombre de constructeurs français. Corre La Licorne avait une production hétéroclite, allant des voitures populaires aux voitures de sport ou de luxe, en passant par les utilitaires. Aux débuts des années 1930, la marque prend simplement le nom « La Licorne » et utilise des solutions techniques éprouvées. Avec des carrosseries élégantes et jouissant d’une bonne réputation, les automobiles de La Licorne disposent d’une clientèle fidèle.
Si quelques résultats sportifs et la gamme d’utilitaires permettent à La Licorne de supporter les premières années qui suivent le krach boursier, les difficultés apparaissent quelques années plus tard. La Licorne a renouvelé sa gamme, notamment en misant sur les 5CV, 6 et 8CV. Mais les choses n’évoluent pas aussi vite que l’industrie automobile au début des années 1930, Citroën distance ses concurrents avec la Traction, Peugeot s’intéresse d’avantage au style avec la ligne fuseau-Sochaux. Pour les concurrents, il devient difficile de rivaliser avec des voitures « modernes ».
La Licorne fait donc appel à Citroën à la fin de l’année 1936 afin d’acheter des caisses de la Citroën Traction pour les recarrosser et proposer à moindre frais une nouvelle voiture. Citroën accepte, le constructeur au double chevrons ne voit pas en la future Licorne une rivale, mais plutôt une voiture complémentaire à la Traction, et surtout, La Licorne fera rentrer des liquidités chez Citroën, ce dont Citroën avait grand besoin pour sortir de la crise financière.
C’est ainsi qu’apparaît courant 1937 la Licorne Rivoli. Pour La Licorne, le choix de cette caisse est surprenant à plusieurs égard, car ce constructeur avait toujours fait appel aux grands carrossiers comme Antem, Autobineau et bien d’autres encore. Surtout, La Licorne Rivoli restera une voiture conventionnelle, la caisse de la Traction (issue des versions 7C et 11AL) est posée sur un châssis La Licorne, la voiture abandonne la traction pour avoir les roues arrières motrices. Avec ce modèle, La Licorne semble pouvoir conquérir une clientèle frileuse par l’innovation technologique.
Dans un premier temps, La Licorne Rivoli propose un moteur maison, à savoir un quatre cylindres en ligne de 1450cm3, entrant dans la catégorie des 8Cv. La voiture est alors plus luxueuse que la Citroën Traction, le confort est amélioré par des épais joints entre la caisse et le châssis conférant à l’habitacle une bonne insonorisation. Extérieurement, si le modèle ressemble à la Traction, La Licorne se différencie par sa calandre plate (signature de la marque) et ses marchepieds entre les ailes avant et arrière.
Puis petit à petit, la collaboration avec Citroën s’intensifie, La Licorne proposant des motorisations issues de la Traction, montés à l’envers dans le compartiment moteur pour conserver la propulsion propre à La Licorne. La gamme de la Rivoli débute avec les 1,1 litres de 6/8CV La Licorne, et est chapeautée par les motorisations 7 et 9CV de la Citroën Traction. Hélas, la seconde guerre mondiale arriva en 1940 en France, stoppant la production de la voiture, alors que La Licorne envisageait le lancement de la Rivoli avec le moteur 11CV Citroën.
Entre temps, le marché avait vu apparaître d’autres clones, comme la Berliet Dauphine issue de la Peugeot 402, Delage avait même été en négociation pour obtenir elle-aussi des caisses de Citroën Traction. Certains constructeurs tentent de sauver les apparences pour survivre quelques années de plus… Puis, une fois la guerre terminée, La Licorne se relance, le constructeur est racheté par Ettore Bugatti qui le revend fin 1946. Hélas, La Licorne est oublié dans le plan Pons, le constructeur ne sera pas approvisionné en matières premières. Puis, Citroën arrête la fourniture de motorisations aux autres constructeurs. La Licorne tente de survivre avec un ancien modèle, mais la firme fait faillite en 1949…