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Chrysler Turbine (1963)

             Si elle n’est pas la première voiture à turbine de l’histoire, la Chrysler Turbine sortie en 1963 marque l’histoire de l’automobile puisque elle fut la première voiture construite en plusieurs exemplaires. Mais loin d’être une voiture de série, la Chrysler Turbine fut un prototype expérimental produit à 55 exemplaires confiés à des particuliers afin d’effectuer un test grandeur nature. La révolution automobile semblait en marche, et pourtant …

             Chez Chrysler, on pense la turbine comme étant l’avenir de l’automobile, et qu’elle succèdera à terme au moteur à explosion. Telle est la philosophie du centre de recherches dans les années 1950, et même le PDG en est convaincu. Dès 1954, Chrysler se lance dans la conception de turbines et de son application à l’automobile. Sort alors la première voiture américaine propulsée par une turbine.

             Quasiment dix ans plus tard, après cinq générations de turbine développée, Chrysler présente un prototype en 1963, au nom évocateur de Chrysler Typhoon. Cette motorisation à le vent en poupe, le public est toujours fasciné par cette motorisation, symbole de modernité et d’avenir. Afin de tester la viabilité de la Turbine, le constructeur de Détroit développe en parallèle un modèle qui reprendra les lignes de ce concept-car afin de réaliser un essai grandeur nature : tester la turbine dans des conditions normales d’utilisation.

             Pour cela, 55 exemplaires de la Chrysler Turbine sont construit entre octobre 1963 et octobre 1964 (dont 5 prototypes), la voiture est présentée fin 1963 et le programme de tests va attirer les foules. En effet, Chrysler prêtera, pendant trois mois, une Chrysler Turbine aux clients de la marque, afin de rouler comme bon leur semble avec. Mais la demande est telle (30.000 candidatures) que Chrysler va tirer au sort 203 familles qui pourront bénéficier de la voiture. Ainsi, 50 voitures arpenteront les routes américaines entre 1964 et 1966, Chrysler prenant en charge l’entretien et l’assurance ainsi que les coûts de fonctionnement, le client-essayeur devait quand à lui payer l’essence, maintenir l’apparence de la voiture et remplir les documents d’évaluation envoyés par Chrysler.

  

             La Chrysler Turbine présente un design extravagant pour son époque, elle prend la forme d’un coupé hard-top à deux portes, avec quatre places. Si la face avant est relativement sage, mais se plie aux exigences du client américain avec une exubérance de chrome, on note tout de même les décorations autours des feux avant afin de leur donner l’apparence d‘entrée d‘air de réacteur. Mais c’est surtout sa face arrière qui marque, avec des formes s‘inspirant de l‘aéronautique, des grands feux horizontaux et des décorations rappelant les tuyères d’avions à réaction. D’ailleurs, la ligne n’est pas américaine, elle est signée par le carrossier italien Ghia, qui d’ailleurs avait même la charge de produire les caisses, lesquelles étaient ensuite envoyées aux Etats-Unis pour y recevoir la turbine, l’intérieur et la teinte unique des Chrysler Turbine : le « Turbine Bronze ». D’ailleurs, la Chrysler Turbine était très bien équipée, vitres électriques, direction assistée, freins électriques … Chaque voiture était assemblée dans le centre de recherche de Chrysler, et l’on estime le coût de fabrication de chaque voiture à 50.000$ à l’époque (soit un peu plus de 350.000$ actuels)

    

              Quant à la turbine en elle-même, celle-ci développait 130Cv à 47.500 tours par minutes (le ralenti, quant à lui, se situe à 22.000 tours minute), et pouvait fonctionner aussi bien avec du carburant Diesel, de l’essence sans plomb, du kérosène, du Fuel JP-4 ou encore de l’huile végétale. La turbine fut en effet développée afin de fonctionner avec tout produit ayant des propriétés de combustible, excepté ceux contenant du plomb. Pour la petite histoire, l’un des essayeurs tirés au sort avouera avoir même fait fonctionner la voiture avec de l’alcool.

             La turbine présentait quelques avantages par rapport au moteur à explosion, tout d’abord de par son faible nombre de pièces mobiles et l’absence de liquide de refroidissement, la turbine ne nécessite pas un entretien minutieux. De là en découle une durée de vie potentielle plus longue de la turbine. Autre avantage, la turbine consomme l’ensemble du carburant injecté, dans les gaz d’échappement sont absent les traces d’hydrocarbures non brûlés ainsi que le monoxyde de carbone. Sans oublier l’absence de vibration que louent de nombreux essayeurs.

          Mais la turbine présente aussi des inconvénients, notamment la chaleur des gaz d’échappement. Pour cela, Chrysler y remédie par un système d’échange thermique entre les gaz d’échappement et d’admission, ainsi, la température des gaz expulsés n’est pas supérieure à celle d’un véhicule conventionnel. On note aussi des problèmes quant à son démarrage, mais sans doute plus par défaut d’habitude. En effet, une turbine ne se démarre pas comme un moteur a explosion, et nombre d’essayeurs de la Chrysler Turbine la démarraient pied au plancher, alors qu’il fallait accélérer seulement une fois que la turbine avait atteint la bonne température. Ainsi, cet afflux précoce de carburant ne faisait que ralentir la turbine au lieu de la faire chauffer, ce qui conduisait à la faire caler. Autre problème, la turbine de cette Chrysler n’était pas prévue pour fonctionner avec du carburant au plomb, or, c’était à l’époque l’essence la plus facile d’accès, nombre d’essayeurs ont fait cette erreur. Si la turbine fonctionnait, le plomb laissait d’important dépôt qui à terme gênaient le fonctionnement normal de la turbine. Sans oublier la consommation, plus importante qu’un moteur classique, il n’était pas rare de dépasser les 50 litres au 100km !

  

           Et si le public admirait la turbine parce qu’elle était signe de modernité, l’ensemble de la clientèle automobile n’était pas convaincue. En effet, le consommateur américain était plutôt porté vers les grosses cylindrés et le bruit du V8, or, la turbine et son bruit d’aspirateur n’était pas des plus flatteurs à l’oreille.

          De cette campagne de tests, plus 1,1 millions de miles ont été parcourus par les essayeurs tirés au sort, et il ressort que les Chrysler Turbine ont eu un temps d’arrêt de fonctionnement pour cause de panne de seulement 4%. Un ratio excellent pour une voiture expérimentale, la fiabilité de la turbine était prouvé !

   

               Si la Turbine paraissait prometteuse, le programme s’arrêtera rapidement sans qu’il n’y ait de commercialisation, les premières normes américaines antipollution arrivant, la consommation de la Chrysler Turbine était trop importante pour les respecter. Si en parallèle les recherches autours des turbine continuaient chez Chrysler, ces nouvelles normes auront raison de la commercialisation de cette motorisation, alors que le constructeur de Detroit prévoyait la fabrication 500 Coronet à turbine destinées à être vendues. Quant aux Chrysler Turbine, 46 ont été détruites, sur les neuf voitures restantes, six ont vu leur moteur désactivée avant que Chrysler n’en fasse dont à des musées américains, et trois sont encore aujourd’hui fonctionnelles, l’une est présente au musée Chrysler, une autre au musée des transports de Saint-Louis, la dernière quant à elle est entre les mains d’un collectionneur privé.