Au lendemain de la Grande Guerre, les pouvoirs publics font un constat sur l’automobile : c’est un produit de luxe. Afin de permettre sa démocratisation, l’Etat va inciter par une politique fiscale avantageuse les constructeurs à concevoir des petits véhicules de moins de 1.100cm² et de moins de 350kg, capables de transporter deux personnes. La catégorie des cyclecars venait de naitre en 1920, et s’orientera rapidement vers la conception de véhicules à vocation sportive. Parmi les marques les plus active de ce secteur d‘activité figure Amilcar.
Amilcar est sans aucun doute l’une des marques de cyclecars les plus connues en France, aux côtés de Darmont ou BSA. Si le premier véhicule de cette marque, la Type C, était une voiture en réduction qui n’inspirait pas la sportivité, très rapidement les fondateurs d’Amilcar se penchent sur des versions sportives. Ainsi va naître sur la base de la Type C, la CS au moteur gonflé et à la carrosserie rappelant les voitures de course, puis plus tard la CGS qui fera la gloire de la marque. La Success-story Amilcar était lancée…
Si Amilcar demeure l’une des marques les plus influente dans l’univers du Cyclecar, tous les passionnés d’automobiles ne la connaissent pas forcément. Une petite piqure de rappel s’impose donc. L’entreprise Amilcar nait en 1921 par la rencontre de deux hommes, André Morel et Edmond Moyet, qui ensemble dessinent et conçoivent un cyclecar, et dont la commercialisation fut lancée avec l’aide de deux hommes d’affaires qui donneront le nom de cette marque : Emile Akar et Joseph Lamy.
Ces deux hommes sont « débauchés » du constructeur Le Zèbre, d’où ils retirent leurs capitaux pour se consacrer pleinement à l’aventure Amilcar. Durant l’été 1921, ces protagonistes finissent de rassembler le capital de la future société en intégrant deux agents qui auront le rôle de diffuser les voitures produites. La société apparait durant le mois de Septembre 1921, ce qui permet à la marque d’exposer dans le salon de l’Automobile de Paris qui se tient courant octobre 1921. A ce moment là, trois châssis sont déjà réalisés, une voiture avec un petit quatre cylindres en ligne de 903cm3 dénommée Type CC. Tout juste après ce salon, une Amilcar est engagée en compétition à l’épreuve du kilomètre lancé de Lyon, qu’elle remporte haut la main avec une moyenne à plus de 90km/h. Il n’en fallait pas plus pour lancer correctement l’aventure de ce petit constructeur.
Dès lors, la compétition automobile va faire parti des gènes d’Amilcar, prouvant la fiabilité et la robustesse de ces petites voitures, et permettant au carnet de commandes de se remplir rapidement. Il faut dire aussi que le créneau des cyclecars connait alors un grand boom, et Amilcar est l’une des marques qui en profite le plus. Amilcar engage ses voitures dans les plus grandes courses, notamment le Bol d’Or, et lors de nombreuses épreuves réservées aux cyclecars. Dès lors, la recherche de chevaux supplémentaire pour la compétition va bénéficier aux voitures de série. Ainsi, en 1922 apparait, en plus de la C4 à vocation familiale, la CS, une version sportive équipée d’un moteur de 1.004cm3, disponible à la fois en châssis court ou long. Une version plus sportive sera même réalisée, avec une carrosserie en aluminium et des roues indépendantes. Amilcar attire de nouveaux clients, la marque monte en puissance et se dote déjà d’un réseau de 100 agents en France.
Fin 1923, début 1924, une nouvelle Amilcar est présentée, la CGS (pour Châssis Grand Sport), mais celle-ci ne peut plus figurer dans la catégorie des cyclecars en raison de son poids trop élevé. Mais pour Amilcar, la perte de la qualification « Cyclecar » n’est pas si importante pour la CGS, en effet, plus lourde, sa finition est plus soignée, et surtout bien mieux équipée : freins sur les quatre roues, graissage par pression d’huile, démarreur, et un tableau de bord plus complet. Côté mécanique, un quatre cylindre de 1.074cm3 prend place sous le capot, d’une puissance de 30Cv, il permet d’atteindre 115km/h. Amilcar part ainsi à la conquête d’un nouveau public, bien plus exigeant. Et la réussite sera au rendez-vous, avec plusieurs centaines d’unités écoulés jusqu’en 1926, puis la CGSS prendra le relais.
Quand on est face à une voiture ancienne, nous ne faisons pas seulement face à une voiture, mais à une histoire aussi. Nombre de passionnés auront sans doute trouvé qu’il y a quelque chose qui cloche sur cette Amilcar CGS, outre la calandre et ses fantaisistes « lames bleues », le problème vient de l’arrière qui ne coïncide pas avec la carrosserie d’origine du modèle. Mais ceci s’explique par l’histoire de cette Amilcar, qui a très certainement eu une vie bien difficile, avant de se retrouver dans les années 1950 dans le parc d’un casseur de la région parisienne.
A cette époque, les voitures des années 1920 n’intéressaient personne et étaient vouées, aussitôt le seuil de la casse franchi, à être attrapées par une pince pour être déposées au sommet d’un tas de vieilles voitures, sans passer par la case récupération de pièces, encore plus quand il s’agissait de voitures sportives ou luxueuses. Pensez vous, on envoyait en ce temps des Bugatti, Talbot-Lago et autres marques de renom directement au pilon, alors pour Amilcar, la durée de vie dans la casse n‘excédait pas quelques jours. Mais par chance, avant que la pince vienne attraper cette Amilcar, son sauveur est venu à elle, et contre quelques poignées de francs, elle échappe à un funeste destin et repart par la route.
En guise de remerciement, cette Amilcar, au bout d’une vingtaine de kilomètres, décide de casser une rotule, immobilisant son nouveau propriétaire sur le bord de la route. Mais plus en faut pour le décourager, le garage du coin vient le dépanner et rapatrie la voiture vers ses locaux, et pense avoir de quoi sortir de cette mauvaise passe notre conducteur. Après de longues minutes de recherche dans un vieux stock de pièces, le garagiste revient, et pose sur le comptoir un paquet entouré de papiers gras contenant deux rotules pour Amilcar, et prend la parole : « Je vous les donne, mon père avait acheté ça dans les années 1930, on a jamais réussit à s’en débarrasser… » Douces mémoires d’une autre époque, bien révolue, avec une toute autre mentalité … mais il faut dire que les amateurs d’automobile ancienne passaient alors pour des excentriques…
Après son périple parisien, cette Amilcar rejoindra la Creuse et la maison de campagne de son propriétaire, où elle sert, depuis la fin des années 1950, comme voiture de ballade et de loisirs lorsque son propriétaire vient retrouver le calme de la campagne creusoise et ses petites routes sur laquelle l’Amilcar peut s’épanouir et lâcher ses chevaux …
Pour monter à bord de cette Amilcar, dont le volant se situe à droite, il faut monter par … la gauche ! En effet, la roue de secours accroché sur le flanc droit à côté du poste de pilotage, empêche de monter à bord par ce côté. C’est donc sur la gauche qu’il faut se rabattre, où l’on trouve un minuscule marchepied en laiton, lequel s’avère fort pratique pour enjamber la carrosserie. Mais les difficultés commencent à peine pour s’installer au volant de l’auto, car il ne faut pas avoir peur de mettre les pieds sur les assises des fauteuils pour essayer de glisser ses jambes sous le large volant. Cette pratique demande beaucoup de souplesse ou d’agilité, ou peut être ne s’agit-il que d’une question d’habitude. Une fois bien installé, la position de conduite est très particulière, quasi allongé comme dans une voiture de sport, mais la position est haute par rapport au sol; sans oublier la bulle pour protéger de l’air qui constitue une importante gène dans la vision. Et cette position s’avère plutôt inconfortable pour manier les pédales, sans oublier que le pédalier est coupé en deux puisque séparé par la colonne de direction, ce qui s’avère très peu pratique, et l’espace est compté et ne laisse que très peu d’amplitude de mouvement aux jambes. Voilà qui inviterait à faire un essai, mais voiture de client oblige, et comme celle-ci était en réparation, il n’est pas question de partir sur les routes. Mais cette Amilcar fut une belle découverte.
Les +
_ Look
_ Club actif
_ Attire les regards
Les –
_ Conduite particulière
_ Pièces de plus en plus rares
_ Côte
L’avis d’Alex
Nombre d’anciennes ont connu de substantielles modifications au cours de leur vie, à commencer par les voitures des années 1930 bien souvent transformées en utilitaires… Ici, la transformation est moins grossière, respectant la vocation de l’auto, un « roadster » de deux places à vocation sportive. Doit-on pour autant dénigrer ce genre d’auto ? Bien évidement que non, et si ces voitures ont survécu, c’est aussi par ces transformations; sans oublier qu’une voiture ancienne est bien plus qu’une voiture, c’est aussi une histoire. Pour en revenir à notre Amilcar, celle-ci fait partie de la grande famille des cyclecars, un créneau automobile apprécié dans le monde de l’automobile de collection, ne serait-ce pour leur côté décalé. Mais conduire un tel véhicule se mérite, et n’est pas des plus évidentes; une vraie voiture de collection en somme. Quant aux prix, la côte des cyclecars s’envole, atteignant plusieurs dizaine de milliers d’euros, sachant que ces véhicules sont relativement rares sur le marché !