Après une lutte dans le clan Peugeot, les entreprises familiales fusionnent en 1911 et rationalisent leur gamme. pour viser une clientèle plus large, Peugeot commercialise une petite voiture créée par Bugatti : la BP1, dite « Bébé Peugeot ».
Les années 1900 sont marquées par une guerre fratricide au sein du clan Peugeot, deux constructeurs automobiles issus d’une même famille se livrent bataille, d’un côté la Société des Automobiles Peugeot menée par Armand Peugeot, pionnier de l’automobile en France, et de l’autre « Les fils de Peugeot Frères » qui lancent leur marque automobile « Lion » en 1905. Cette lutte familiale s’arrête en 1911 avec la fusion de ces deux entités au sein de la Société Anonyme des Automobiles et Cycles Peugeot », la gamme de Peugeot s’étend alors de la VC2, voiture économique, aux grosses limousines capable de rivaliser avec les Panhard & Levassor.
Avec la réconciliation entre les Peugeot s’entame un travail d’harmonisation des productions et une réorganisation entre les quatre usines du groupe. Aussi, une cinquième usine est mise en construction à Sochaux pour accueillir la production des véhicules utilitaires du groupe, laquelle fut inaugurée en 1912. En ce qui concerne le travail d’harmonisation de l’offre automobile, Peugeot se met en quête d’une voiture populaire et trouve Ettorre Bugatti comme partenaire.
Du côté de Bugatti, si la production se destine à la compétition, cela ne l’empêche pas d’étudier une petite voiture populaire en 1910 qui mène à la création d’un prototype l’année suivante, la Bugatti Type 19. Toutefois, Bugatti ne peut assumer la production en série de cette voiture, ses ateliers étant occupés par la production de voitures à plus forte valeur ajoutée. Et c’est pour financer les activités sportives de Bugatti que le projet de la Type 19 est proposé au constructeur allemand Wanderer, certes intéressé mais n’arrivant pas à conclure un accord avec Bugatti.
Ettorre Bugatti expose donc au salon de l’automobile 1911 la Type 19 sur son stand, la voiture est remarquée par le clan Peugeot qui engage des pourparlers avec le constructeur alsacien. Les tractations sont rapides puisqu’un accord est conclu le 16 novembre 1911 : Peugeot achète la licence de la Bugatti Type 19 pour la produire à son compte, moyennant une redevance dégressive de 150 Francs par unité pour les premières voitures produite à 80 Francs au-delà d’un certain seuil.
Ainsi est née la Peugeot Type BP1, rapidement surnommée « Bébé Peugeot » en souvenir de la voiture éponyme commercialisée en 1905 et ayant connu un important succès. La Peugeot BP1 est quasiment identique à la Bugatti Type 19, à l’exception de la calandre qui arbore la marque Peugeot, et pour la première fois, un lion comme emblème. Petite voiture biplace d’une longueur de 2,60 mètres, mue par une quatre cylindres de 855cm3 développant 10Ch lui permettant de rouler jusqu’à 60km/h. Sa commercialisation débute lors du Salon de Paris d’octobre 1912 au prix de 4.250 Francs.
La voiture n’est disponible qu’en une seule configuration, un torpédo deux places, proposée avec une seule teinte, le « gris bronze » pour diminuer les coûts de production. Quelques rares exemplaires se verront carrossés en berline à l’initiative de leurs propriétaires. Toutefois, pour une voiture populaire, la Peugeot BP1 « bébé » reçoit un équipement de bonne facture : quatre pneumatiques Michelin, un pare-brise (encore rare sur les torpédos), des lampes à acétylène et un avertisseur sonore. Le tout avec une garantie de six mois en cas d’avarie.
Outre la calandre, la Peugeot BP1 « bébé » diffère de la Bugatti Type 19 au niveau de ses éléments mécaniques : si Bugatti avait développé la Type 19 avec un moteur avec distribution par arbre à came, Peugeot lui préfère une moteur à soupapes latérales en T commandées par deux arbres à cames. La transmission est assurée par une « boite de vitesses » proposant deux rapports, insuffisant pour les premiers clients du BP1 qui se plaignent de la difficulté à grimper les côtes. En 1913, Peugeot corrige le tir en intégrant un troisième rapport.
Outre un prix bas, la Peugeot BP1 « bébé » se vente d’être économique à l’usage, Peugeot usa d’ailleurs du slogan « un sous le kilomètre » dans sa communication. La production du BP1 s’effectue dans l’usine de Beaulieu et répond à la forte demande en 1913 et 1914. Hélas, la Première guerre mondiale stoppe cet élan, la production continue jusqu’en 1916 à l’aide des stocks d’avant-guerre.
En tout, c’est 3.095 exemplaires de Peugeot BP1 « bébé » qui furent commercialisés entre 1913 et 1916, parfois en dehors de nos frontières. Il s’agit d’un beau succès, équivalent à celui de la Bédélia proposée à la même époque. A noter que malgré sa vocation populaire, la Peugeot BP1 fut engagé en compétition, on la retrouve notamment à la course de côte du Mont Ventoux, à la Coupe Internationale des Cyclecars 1913 disputée au Mans. Quant au segment de la voiture populaire, Peugeot y reviendra dès 1921 avec la Quadrillette…