Dans les années 1970, comme le reste de l’industrie automobile anglaise, les finances d’Aston Martin ne sont à la fête, et la marque va à la faillite en 1975. Heureusement, Aston Martin dispose d’une image qui sauve le constructeur en attirant des capitaux américains qui vont tenter de relancer la marque avec une berline haut de gamme, la Lagonda.
Lagonda, voilà un nom qui n’est pas inconnu dans la sphère Aston Martin en ce milieu des années 1970 puisque l’entreprise propose depuis 1974 une berline sportive qui porte ce nom. Auparavant, Lagonda était un constructeur indépendant qui fut fusionné avec Aston Martin par David Brown en 1947 : à Aston Martin le marché des voitures de sport, à Lagonda celui des voitures de luxe. En 1974, les deux noms se réunissent pour donner naissance à une berline à moteur V8, laquelle n’empêcha pas Aston Martin de couler.
Toutefois, les nouveaux propriétaires d’Aston Martin sont convaincus qu’une berline sportive aurait sa place sur le marché et serait capable de concurrencer les Rolls-Royce et autres Maserati. En février 1976, le projet d’une nouvelle berline est lancée, Aston Martin se donne huit mois pour proposer à sa clientèle le modèle définitif. Un temps record qui fut tenu mais les clients devront être patients, car en octobre 1976, si la berline Lagonda est bien présentée au public lors du London Motor Show, la voiture est incomplète. Mais le style ambitieux et le système électronique semblant venir tout droit du futur plaisent, permettant à Aston Martin d’engranger plusieurs dizaines de commandes.
Il faut dire que l’Aston Martin Lagonda est une voiture avant-gardiste, son design permet de la reconnaître au premier coup d’œil et tranche avec le reste de la production automobile. La carrosserie de la Lagonda est réalisé à la règle, les pans de carrosseries laissent de larges surfaces planes, la face avant se réduit à la largeur des phares et de la calandre réduits à leur plus simple expression, tandis que d‘énormes phares escamotables peuvent prendre place sur le capot. Le futur, on le trouve surtout dans l’habitacle avec un tableau de bord digital, une première mondiale, avec la promesse d’une voiture gérée par ordinateur et commandée par des touches tactiles !
Toutefois, à vouloir proposer à la hâte une voiture, Aston martin va s’en mordre les doigts. Les derniers développements de la voiture sont entamés en 1977 et prennent plus de temps que prévu, au grand désespoirs des premiers clients qui pensaient être livrés rapidement. Les ingénieurs d’Aston Martin se cassent les dents sur l’électronique dont le programme est trop ambitieux au regard de la technologie alors disponible. Et pour limiter les coûts de développement, Aston martin fait appel à des étudiants de l’université de Cranfield…
Au final, en 1977, seules trois voitures sont assemblées, chacune d’entre elle nécessite 2.200 heures de travail. Pour contenter la presse et les clients, Aston Martin confie ses voitures à la presse, mais prend le soin de troquer le tableau de bord électronique contre un tableau de bord analogique pour éviter des désagréments qui auraient pu nuire à l’image de la Lagonda, et tant pis si les journalistes pensent que l’électronique de la Lagonda restera un concept sans lendemain. Aston Martin perd ainsi deux ans de développement à cause de l’électronique, qui prend une place importante dans la voiture et se loge sous la banquette arrière. Repensé à de nombreuses reprise, le système électronique aurait à lui seul coûté quatre fois le programme initial de la Lagonda…
La première Aston Martin Lagonda est prête au début de l’année 1978 et livrée à son premier client au mois d’avril lors d’une cérémonie en grandes pompes… mais un bug électronique rendra rapidement la voiture indisponible. Aston Martin appel à l’aide une entreprise américaine spécialisée dans l’électronique aéronautique qui met plusieurs mois à fiabiliser la Lagonda. Nous sommes à la fin de l’année 1978, la carrière de la Lagonda pouvait commencer. Mais l’électronique ne doit pas nous faire oublier le moteur, la Lagonda embarque un V8 de 5,3 litres qui offre à son conducteur 280Cv, une puissance très généreuse pour une berline à cette époque.
Il faut ensuite attendre 1982 pour qu’Aston martin se décide à exporter la Lagonda aux Etats-Unis, le temps d’effectuer quelques modifications pour se conformer aux normes drastiques de l’oncle Sam. En 1984, le tableau de bord à LED cède sa place à un compteur à trois tubes cathodiques, développés initialement pour l’avion de chasse F15. Une synthétiseur vocal fait sont apparition tandis que les boutons tactiles sont remplacés par des poussoirs plus pratiques à l’usage.
En 1985, Aston Martin présente la Lagonda Série 3 qui est ni plus ni moins qu’un restylage de la voiture que nous venons de présenter, si ce n’est la mécanique qui est alimenté par une injection électronique faisant passer la puissance à 309Cv. Le tableau de bord reçoit un nouvel affichage, fluorescent cette fois-ci.
La voiture n’a pas le temps de se faire une place puisque Aston Martin décide de lancer la Lagonda Série 4 en 1987, qui malgré son air de famille n’a qu’un seul élément de carrosserie en commun avec les deux versions précédentes, ce dernier opus vient clore la série des Lagonda qui fut retiré des catalogues Aston martin en 1990. Faisons les comptes, en douze année de commercialisation (plus deux années de développement de retard), il fut vendu seulement 636 exemplaires, dont 462 pour la série 2, 76 pour la série 3 et 98 pour la série 4. Des chiffres bas mais parler d’échec serait méconnaître la situation d’Aston Martin dans les années 1970…