Pendant les trente glorieuses, le monde devient insouciant et l’automobile voit apparaître des voitures à pure fin de loisirs, les fameuses voitures de plage, puis dans la même optique, les buggies. En France, ce marché est occupé par les Citroën Méhari, Renault Rodéo puis plus tardivement, la Talbot-Matra Rancho qui essaye de renouveler le genre. Dans les années 1980, les constructeurs abandonnent ce segment, c’est au tour des artisans de se lancer…
En France, le marché des voitures de loisir est quelque peu en retrait par rapport à nos pays voisins, et les deux vraies réussites que sont les Renault Rodéo et Citroën Méhari sont en réalité des voitures servant à la fois d’utilitaire et de véhicule ludique. Preuve en est, quand Renault a sorti la Renault 4 Plein Air en 1967, la production s’arrête à peine trois ans plus tard après un peu plus de 500 exemplaires produits pour laisser la place à la Rodéo.
Mais, en arrivant dans les années 1980, les constructeurs français n’ont pas renouvelé le genre, les ventes s’essoufflent et d’aucun ne souhaite miser à nouveau sur ce segment. Seule la Rancho lancée par Simca en 1977 puis reprise par Talbot donne un coup de jeune sur ce marché mais les ventes sont là, la voiture n’est une réussite que pour Matra qui misait sur un marché de niche et qui se trouve à lancer la production de cette voiture à plus forte cadence, une cadence toutefois trop faible pour un constructeur. Du coup, les artisans entrent en piste, et durant cette même époque, la mode des buggies a émergée et a vu de nombreux artisans naître pour construire des voitures sur la base de la Volkswagen Cox.
En Bretagne, deux amis d’à peine trente ans, Patrick Fauchet et Gérard Maillard, technicien auto-moto pour l’un et styliste pour l’autre, mettent leur compétences pour créer deux voitures de loisir sur base de Renault 4 et Renault 6 avec lesquelles ils partent en vacances sur l’Ile de beauté. Face à l’engouement suscité par ces véhicules, les deux amis décident de créer courant 1981 une petite structure à Redon (Bretagne) pour commercialiser leur création.
L’entreprise, nommée Car Système, propose aux clients possédant déjà une Renault 4 (berline ou fourgonnette) de la transformer en voiture de loisir nommée JP4 (JP comme JeeP). La voiture est réalisée en enlevant 20 centimètres sur le châssis de la R4, la voiture est légèrement rehaussée, propose deux places sous un arceau et un kit carrosserie comprenant élargisseurs d’ailes et d’épais boucliers en plastique sur les flancs. Quelques modèles reçoivent un bosselage sur le capot et une calandre spécifique. Avec ce look, la JP4 oscille entre la voiture de loisir et le buggy.
La transformation est facturée au client 15.000 Francs et ne comprend donc pas l’achat d’une R4, le prix est élevé mais les commandes sont là. Car Système homologue à titre séparé ses premières créations avant d’obtenir une homologation nationale pour le modèle courant Juillet 1981. le petit artisans devient alors constructeur automobile ! Et si les commandes arrivent, elles ne sont pas assez nombreuses pour assurer la survie de l’entreprise qui dépose son premier bilan en 1983, l’un des créateurs, Gérard Maillard, prend ses distances avec Car Système.
L’aventure aurait pu s’arrêter là mais quelques personnalités de la ville de Redon se portent au secours de la petite entreprise. La dénomination devient « Car Système Style » et l’aventure repart de plus belle. Mais le feu s’éteint rapidement, un second bilan est déposé en 1984. Les salariés sont licenciés et le pire était à craindre pour Car Système Style, toutefois, les salariés relancent la firme au moyen de leur prime de licenciement qu’ils investissent, trouvent Yves Rousteau comme dirigeant, un technicien réputé qui lance un pari : obtenir l’homologation européenne afin d’élargir la clientèle.
L’homologation est obtenue au cours de l’année 1986 après d’énormes efforts pour la petite entreprise redonnaise, mais les efforts payent car Renault se rapproche de Car Système Style afin d’écouler cette voiture dans son réseau, mais surtout, fournir des bases et mécaniques neuves pour construire le JP4. Il faut dire que les choses ont changé à la Régie, la Rodéo fabriquée par son partenaire Teilhol vit ses derniers mois, Teilhol prend contact auprès de Citroën pour lancer la Tangara, Renault n’a donc plus d’intérêt à conserver les intérêts du carrossier auvergnat.
Cette fois est la bonne, Car Système Style reçoit une commande de 600 exemplaires de sa JP4 par Renault Italie qui commercialise la voiture en tant que « Renault 4 Frog ». Mais c’est le seul véritable succès pour Car Système Style, car les commandes arrivent toujours au compte goutte et ne permettent pas à l’entreprise d’avoir une visibilité à long terme, d’autant que l’homologation européenne et la construction en série de la JP4 ont coûté cher à l’entreprise.
Pourtant, Car Système Style avait travaillé le produit en créant une gamme, qui débutait avec la JP4 Belle-Ile, version de base équipée d’une simple bâche d’été qui ne permet pas son utilisation sous la pluie. Suit la « Noeud Pap » avec des fauteuils baquets, kit carrosserie spécifique et jantes Delta Mics. Enfin, la BeBop chapeaute la gamme avec toutes les options montées de série, et se distingue par sa calandre spécifique, ses feux de R4 F6 et ses pare-chocs tubulaires. Ce sont les prix trop élevés qui ont raison du modèle, commercialisé chez Renault entre 53.000 et 65.000 Francs (quant une R4 Savane coûtait 40.000 Francs).
Surtout, ces contacts privilégiés avec Renault permettent de savoir que la Renault 4 est sur la fin de vie, Car Système Style doit donc préparer l’avenir, Renault prête donc la Super5 comme nouvelle base. Un nouvel investissement se rajoute donc pour la petite firme qui n’a pas les reins solides, si la Super5 Belle-Ile est lancée en 1988, Car Système Style est contraint de se vendre à Gruau pour survivre. La production de la Renault 4 JP4 s’arrête à cette époque, en 1990, après une production estimée à 2.500 exemplaires entre 1981 et 1990.