Une Alfa Romeo 155 sur un site de voitures anciennes, voilà qui pourrait surprendre aux premiers abords. Mais comme vous le savez, je suis avant tout passionné de voitures anciennes, et donc passionné d’automobile en général, j’ai toujours trouvé inutile de cloisonner les voitures selon leurs âges et de rejeter certains modèles au motif que « c’est trop récent ». Rassurez-vous toutefois, je ne vous propose pas une simple Alfa Romeo 155 mais la version troféo, une rare série limitée produite à 300 exemplaires. Alors le temps de faire monter en température l’huile, découvrons le modèle…
Dans les années 1980, ce n’était pas la joie chez Alfa Romeo, la marque était contrainte à des restrictions budgétaires pour assurer sa survie et ne pariait que sur des modèles anciens, certains avaient encore la cote comme l’Alfeta GTV; quant aux berlines, la 33 comme la 75 avaient été réalisées sur une base ancienne sur laquelle était greffée une carrosserie moderne. Cela est d’avantage marqué sur la 75 car si sa ligne attire les clients, ses qualités intrinsèques avaient de quoi les faire fuir… A cela rajoutez la 33 qui est en traction (comme l’Alfasud dont elle hérite la base) et vous comprendrez facilement le déclin de la marque à cette époque.
Finalement, Alfa Romeo fini par tomber dans l’escarcelle du groupe Fiat, l’ennemi de toujours l’intègre avec sa marque Lancia pour former la société Alfa-Lancia. Les deux marques conservent leur propre nom, leur philosophie propre mais ont désormais une direction unique, ce qui permet d’assurer la survie des deux entités. Et Alfa Romeo commence à reprendre des couleurs, la 75 se vend bien, des modèles exclusifs apparaissent comme les SZ/RZ ou la berline haut de gamme 164. Puis vient l’heure du renouvellement de la gamme, la 75 qui vieillit rapidement est alors remplacé par la 155 qui est présentée en avant première à Barcelone en Janvier 1992, puis de façon officielle lors du salon de Genève en mars de la même année. Pour les « Alfiste », l’heure est au désenchantement…
En effet, l’Alfa Romeo 155 abandonne la recette traditionnelle de la marque : propulsion, moteur à l’avant avec transmission et blocage de différentiel sur le train arrière afin de répartir le poids de la voiture de manière efficace. La 155 rompt avec tout ceci et opte pour une simple traction et une suspension à quatre roues indépendantes. De quoi horrifier les puristes d’Alfa Romeo qui voient leur marque tomber dans une certaine banalité, mais c’est le prix à payer pour la faire perdurer. Mais plus encore, l’Alfa Romeo 155 dérive en réalité d’une Fiat, puisqu’elle reprend la base de la … Tipo, base qui fut également décliné en Fiat Tempra ou encore en Lancia Dedra. Mais cela était un mal nécessaire afin d’assurer la survie de la marque, et surtout se conformer à la politique économique de Fiat qui rentabilisait ses investissements sur une base par le biais de plusieurs marques.
Si les dessous de l‘Alfa Romeo 155 ne sont guère séduisants pour les Alfistes, la voiture tentera de les reconquérir avec sa ligne agressive qui ne manque pas de personnalité. La face avant est reconnaissable entre mille, ses phares étroits et sa calandre basse située près du sol, des lignes anguleuses qui donnent l’impression que la voiture veut en découdre avec le bitume. A l’opposé, la face arrière est d’un tout autre registre, haute et presque sage… De cela en résulte un profil peu facile, bien loin des lignes majestueuses qui avaient pu faire la réputation de la marque. Un design clivant mais efficace, car il affiche un Cx de 0,29 seulement !
Et sous sa ligne typée, la 155 conserve un cœur Alfa Romeo lors de sa présentation, car la voiture est disponible uniquement en essence, le fameux quatre cylindres Twin Spark à deux bougies par cylindre, l’injection électronique est de la partie. Le moteur peut se choisir en version 1.773cm3 de 126ch ou 1.995cm3 de 143ch. Quant au haut de gamme, il est assuré par un V6 de 2,5 litres provenant de la GTV6; sans oublier la sportive 155 Q4 avec son deux litres à 16 soupapes et turbo venant de chez Lancia… Mais rapidement, de nouvelles motorisations s’affichent au catalogue, un Twin Spark 1,7 litres de 115Cv arrive en 1993, mais aussi les moteurs Diesel en provenance de chez Fiat : le TurboDiesel 1.9 de 92Cv et le TD 2.5 de 125Ch… De quoi finir d’achever les derniers Alfistes…
C’est également en 1993 qu’apparaît la version qui nous intéresse, la « Trofeo », cette série est dévoilée en Mars soit un an après la présentation de la 155. Cette série limitée a pour objectif de proposer une 155 « suréquipée » tout en maintenant le tarif du modèle de base. La base justement, Alfa Romeo reprend la 155 1.8 Twin Spark, une version qui propose 129Ch , une boite à cinq rapports et une vitesse maximale de 200km/h mentionnée sur la fiche technique de la voiture. La Troféo qui ne se veut pas comme une série limitée sportive conserve ses caractéristiques.
C’est donc bien du côté de l’équipement que la Trofeo s’enrichit avec un intérieur proposant des sièges semi baquet et une banquette arrière en une seule partie, le tout recouvert à la fois de tissu et de sky. L’intérieur de notre voiture est bien équipé, mais rappelons que la 155 1.8TS proposait déjà de série la direction assistée, les vitres avant électriques, la fermeture centralisée des portes, ou encore le volant réglable en hauteur. Le seul élément supplémentaire dont dispose notre modèle est un autoradio avec lecteur de cassette, ainsi qu’un monogramme « Trofeo » sur la console centrale.
Finalement, c’est surtout dans sa présentation extérieure que la 155 Trofeo se démarque, la voiture se pare de jantes en alliage ainsi que d’un aileron sur la malle arrière, sans oublier les antibrouillards sur le pare-chocs avant, les autocollants « Trofeo » sur les portes avant et le logo sur la malle. Coté teintes, au moins deux coloris étaient disponibles sur cette série limitée, le rouge ou le noir. Lors de la présentation, la 155 Trofeo était proposée au prix de 111.500 Francs, soit le même prix que la 1.8 Twin Spark de base, et à titre d’exemple, la 155 1.8 TS L qui était mieux équipée se monnayait contre 121.400 Francs. Bref, la 155 Trofeo était une affaire, mais réservée aux 300 premiers clients seulement ! Mais partons désormais à la découverte de notre exemplaire…
Prenons place à bord de l’Alfa Romeo 155 Trofeo, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a de la place. L’habitacle est typique de la production automobile des années 1990 : le design intérieur est tout en angles et ne laisse que peu de place aux courbes. L’ensemble est très sombre, le noir domine avec, en face du conducteur, un tableau de bord en plastique moussé digne de son époque. En somme, un intérieur bien dans son temps, avec assez peu d’originalité. Mais ne critiquons pas, l’aspect rendu inspire la qualité, et bien assis dans notre fauteuil semi-baquet, on se sent prêt à prendre la route.
Face au conducteur, un volant très large en plastique mou avec un toucher plutôt agréable. La taille du volant m’impressionne puisque celui-ci est très large, mais cela permet d’avoir une très bonne lisibilité des différents compteurs proposés au conducteur : tachymètre gradué jusqu‘à 240, compte-tours avec une zone rouge à 6.300trs/min, lesquels sont entourés des indicateurs de température d’huile et d’eau, et bien évidement, une jauge a essence. La couleur orange est discrètement présente et donnerait envie de partir sur nos routes pour tester la voiture.
Mais terminons de visiter l’intérieur avant, je ne rajouterais peu de choses sur le poste de conduite, outre les comodos et leur forme particulière (et qui s’allument la nuit !)… La plupart des fonctionnalités nécessaires tombent sous la main, l’ergonomie a bien été pensée. La console centrale est très simple et plutôt avare en fonctionnalité : le chauffage ou l’air frais, et c’est tout… Une discrète montre digitale est présente, tout comme le logo « Trofeo » de cette série limitée qui met un peu de couleur dans cet ensemble. Dessous, un autoradio à lecteur cassette, et oui, nous sommes dans les années 1990 ! Descendons encore un peu, juste avant le levier de vitesse, un petit détail très années’90’s : le range pièces, ou jeton… au choix, un équipement aujourd’hui disparu mais qui m’avait occupé des heures durant mon enfance…
Nous ne reviendrons pas sur l’équipement très complet de la voiture dont nous avons présenté les grandes lignes en même temps que cette série limitée, par conséquent, la visite de l’intérieur est terminée. Cela veut dire que nous pouvons partir faire un tour sur nos petites routes de campagne limousine !
Essayer une italienne du début des années 1990, voilà un plaisir qui me faisait bien peur après avoir convoyé il y a quelques années une Alfa Romeo 33 loin d’être fraîche, l’un de mes pires souvenirs automobile. Mais au vu de l’état de cette Alfa Romeo 155 Trofeo et de la proposition de son propriétaire à aller l’essayer, je ne peux refuser cette occasion de prendre ma revanche. Et fort heureusement, car conduire cette 155 Trofeo fut un véritable régal durant la petite vingtaine de kilomètres à son bord !
Si la voiture se veut sportive dans son aspect et donne envie de jouer avec elle, respectons avant toute chose le Twin Spark qui doit monter en température avant de pouvoir délivrer sans crainte la cavalerie. En attendant, restons sages et roulons doucement, le temps d’habituer nos oreilles au bruit de l’échappement modifié, qui est la seule exception à l’état d’origine de la voiture. En roulant entre 70 et 80km/h, on peut déjà constater que la voiture tient bien la route, que sa direction est précise avec une tendance à être sous vireuse en fin de virage. Petite habitude à prendre pour manier la voiture, mais en dépit de ce défaut, l’Alfa Romeo 155 semble collée à la route. 90km/h en cinquième, voilà aussi le bon rythme de fonctionnement de la voiture, le moteur entraine la voiture dans un léger murmure, de quoi faire de la route tranquillement, sans se fatiguer…
Au bout de ma route, un petit hameau, dans lequel je décide de m’arrêter pour prendre les quelques clichés qui illustrent cet article. Et pendant ce petit « shooting » improvisé, un couple d’autochtones est venu à ma rencontre pour parler de voiture ! La discussion est rapide mais l’on tourne autour de la voiture, une rencontre surréaliste au fin fond de la campagne limousine… Faute de temps, je coupe court à cette bavette qui aurait pu durer encore de longues minutes, et comme la mécanique est chaude, amusons-nous !
Dans un premier temps, la route est plutôt sinueuse avec de très courtes lignes droites, de quoi apprécier les reprises de la voiture ainsi que sa direction. J’adore le maniement de la boite de vitesses qui est très simple d’utilisation et très efficace ! Et je me surprend à enchaîner les virages les uns après les autres sans que la voiture ne soit déstabilisée. Quant au moteur, il en veut toujours plus, et qui délivre d‘agréables vocalises. Aussi, le conducteur est bien installé, les fauteuils maintiennent parfaitement en place, nous n’avons plus qu’à nous concentrer sur la conduite… un vrai régal.
Sur la deuxième partie du trajet, la route s’élargie et les grandes lignes droites apparaissent, coupées par quelques courbes très larges. De quoi faire un essai encore plus dynamique, et voilà l’aiguille du tachymètre qui s’envole. A allure soutenue, les réglages très durs de la voiture font leur travail et maintiennent la 155 dans sa trajectoire. Cependant, la direction très vive ne met pas en confiance : la voiture pourrait partir suite à un coup de volant trop brusque. Alors ne nous faisons pas peur, ralentissons. Le freinage est très efficace, bien que trop mordant à mon gout.
Aussi, si le moteur en voulait dans les parties sinueuses, il montre rapidement ses limites concernant la vitesse, et la vitesse maximale annoncée par Alfa Romeo nous parait bien théorique… Mais est-ce là un défaut à l’heure de la grande répression routière ? Car l’Alfa Romeo 155 Trofeo pourrait aussi vous faire perdre le permis de conduire tant l’impression de sécurité à son bord coupe la sensation de vitesse, et nous voilà rapidement au delà des 100km/h. En attendant, nous sommes rentrés au point de départ afin de rendre, avec une certaine tristesse, les clés à son propriétaire… on l’aurait bien gardé à vrai dire cette petite Alfa !
Les +
_ Rareté
_ Intérieur confortable
_ Voiture joueuse
Les –
_ le moteur montre rapidement ses limites
_ sous vireuse !
_ design fade ?
Le mot du propriétaire
Cette voiture m’a été offerte par mes parents pour mon 18ème anniversaire, avant l’obtention de mon papier rose quelques mois plus tard, elle a donc été ma première voiture. Elle revient de loin, et pas seulement au sens propre. Lorsque j’ai vu ma voiture le 27 octobre 2012 pour la première fois, elle était verte de mousse et le rouge de sa carrosserie était à peine visible. Mon père, après une petite plaisanterie sur l’état du véhicule, m’a gentiment précisé l’avoir passé au karcher du coin qui avait avalé une bonne vingtaine d’euros : la belle ne voulais pas se dévoiler trop rapidement.
Cette voiture, après avoir parcouru 190.000km avec deux membres d’une même famille et qui était donc une première main a gentiment patienté quelques années sous plusieurs arbres qui, avec leur temps, l’on enduit de sève, feuilles et mousse !
Lors de la remise en route effectuée par les mains expertes de mon père, certaines réparations se sont avérées insolites : en testant la pompe à essence, celle-ci s’est enflammée… plus de peur que de mal au final. Après de nombreuses journées de travail, l’Alfa 155 fini par accepter les soins et son Twin Spark se fit entendre.
Un petit tour dans un chemin privé me fit aimer cette voiture, mais lorsque j’ai voulu en faire ma voiture de tous les jours, je me suis vu opposer un devis relativement salé de la part du seul assureur qui a voulu m’accepter, une offre que je ne pouvais hélas pas signer. Et finalement, la raison l’emporte sur le cœur, je me suis détourné vers une Renault Safrane tandis que la 155 Trofeo était ma youngtimer d’exception. Sa seule sortie, je l’aurais faite pour un rassemblement d’anciennes et j’ai apprécié sa conduite joueuse et son caractère bien trempé. Des sensations sympathiques, l’envie d’avaler les kilomètres nous prend rapidement. Et si elle avait pu être capricieuse à ses débuts, elle est devenue un petit bijou qui ronronne au quart de tour, pour le plus grand plaisir de son nouveau propriétaire…
Remerciement pour cet article à Anthonin P. pour sa gentillesse, le prêt de sa voiture pendant quelques longues minutes, et les nombreuses informations données sur sa voiture.