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Citroën 2CV Sahara (1960-1967)

         La 2CV 4×4 Sahara, voilà un modèle mythique que tous les « deuchistes » connaissent, et même nombre de passionnés de voitures anciennes en général. Il faut dire que la voiture a de quoi intéresser, outre qu’elle fasse partie de la grande famille des bicylindres Citroën, la Sahara étonne par sa fiche technique qui présente deux moteurs !

Citroën 2CV Sahara (1a)

             L’histoire de la 2CV Sahara ne débute pas dans les bureaux d’études du Quai de Javel, mais dans les Landes où un certain M.Bonafous, ingénieur dans les travaux publics, cherche à partir de l’année 1954 un véhicule tout-terrain pour les besoins de son entreprise. A cette époque, la Jeep était le tout-terrain par excellence, mais les pièces de rechange étaient couteuses, il était parfois difficile de les trouver. Lassé, il était en quête d’un véhicule similaire mais qui soit également économique, léger et fiable; mais le marché automobile français ne proposait rien de tel.

             Par conséquent, M.Bonafous décide de concevoir le véhicule qu’il cherchait, il prit comme base la Citroën 2CV. Logique, il s’agissait de la voiture la moins chère du marché, la plus simple et donc la plus simple à bricoler. Seule ombre au tableau, les carnets de commandes pour la 2CV étaient remplis aux débuts des années 1950, ce qui laisse supposer que M.Bonafous avait déjà une 2CV, à moins qu’il ait acheté un exemplaire d’occasion, ou encore qu’il ait profité de la priorité donnée aux acquéreurs d’un U23…

           Sur cette base, M.Bonafous va faire du bricolage. Au lieu de réaliser une transmission quatre roues motrices, il décide d’intégrer un second moteur sur la 2CV positionné dans le coffre. Ainsi, chaque moteur entraine son essieu, avec la possibilité de passer en deux roues motrices en laissant un essieu en « roue libre ». Aussi, les deux moteurs placés aux extrémités de la voiture permettent une répartition du poids, un avantage certain dans les chemins escarpés. Par simplicité, les deux moteurs sont indépendants l’un de l’autre, ainsi, chacun dispose de sa boite de vitesses, de son démarreur et même de son réservoir…

Citroën 2CV Sahara - moteur

             Les réservoirs justement, comme le moteur prend place dans le coffre, le réservoir ne peut donc plus s’y loger. M.Bonafous trouve toutefois une bonne place pour ces derniers : sous les fauteuils avant : fumeurs, abstenez-vous d’en griller une à son bord. Aussi, pour remplir les deux réservoirs de 15 litres chacun, il fallait ouvrir les portes… peu pratique à l’évident. Mais cela n’empêche pas à M.Bonafous de produire deux 2CV bimoteur pour son entreprise entre 1954 et 1955.

             D’un petit bricoleur landais à la commercialisation par Citroën, il y a un fossé que M.Bonafous n’aurait jamais cru franchissable. Et pourtant, Citroën eut vent de ce joyeux bricolage et va s’y intéresser de près au vu des performances tout terrain qui lui sont attribuées. Rappelons qu’au milieu des années 1950, c’est la ruée vers l’or noir en Algérie, les compagnies pétrolières sont alors en quête de matériel capable d’affronter les dunes du Sahara. Mais aussi, un tel produit pourrait intéresser l’administration, et pourquoi pas les particuliers.

             Ainsi, Citroën fait construire des prototypes sur le modèle de la 2CV bimoteur de Bonafous, et les testes sur la mer de sable d’Ermenonville. Le premier d’entre eux est prêt au mois de Mars 1958, il se reconnait par sa carrosserie encore très proche de la 2CV de série, avec une porte de malle comprenant une très petite entrée d’air, et qui ne se fermait pas du fait de l’encombrement du moteur.

                  Ces premiers tests sont prometteurs, si bien que Citroën commence a faire évoluer le modèle. Afin d’améliorer le refroidissement du moteur arrière, on réalise une importante entaille dans la malle afin que le ventilateur puisse venir prendre directement de l’air; et l’on découpes quelques ouïes dans la custode à cette fin. Les idées sont bonnes et seront petit à petit peaufinées pour aller vers le modèle de série.

                  Un second prototype est ensuite construit pendant le second semestre de l’année 1958 pour être présenté au salon des utilitaires qui a lieu en Novembre. Puis un troisième prototype est présenté en Juillet 1959 à l’armée française, au terme d’une longue mise au point. Si l’armée ne retient pas cette voiture pour entrer dans les rangs, cela n’empêche pas de présenter la voiture au public en Septembre 1959 sous l’appellation « 2CV Sahara ».

               La fiche technique de la voiture à de quoi intéresser : la 2CV Sahara s’équipe de deux bicylindres de 425cm3 qui développent 13Ch chacun, alimentés par un carburateur type Solex 26 CBIN (filtre à air à bain d’huile en option). Si la voiture a deux boites de vitesses, elles marchent simultanément par une commande hydraulique qui actionne les deux embrayages en même temps. Chaque moteur dispose d’une dynamo pour charger la batterie…

            Côté carrosserie, la 2CV Sahara est reconnaissable entre mille avec sa roue de secours placée sur le capot à la façon Land Rover, sa face arrière spécifique ou ses ailes arrières échancrées. Mais la 2CV Sahara relève avant tout du bricolage, par exemple les ailes arrières sont élargies et découpées à partir d’ailes de 2CV de série, une simple plaque soudée vient boucher l’emplacement de la goulotte par exemple. Mais la voiture s’avère aussi pratique, comme les portes avant découpées pour permettre le remplissage des réservoir sans avoir à les ouvrir.

           Quant aux capacités de la voiture, la 2CV Sahara peut rouler jusqu’à 110km/h à la condition d’avoir les deux moteurs en action, à défaut, le poids d’un moteur inactif vient handicaper les performances. Côté consommation, Citroën avançait entre 9 et 12 litres aux 100km avec les deux moteurs. Et côté franchissement, la 2CV Sahara était redoutable d’efficacité, capable d’aller où d’autres voitures n’osaient s’aventurer.

              La commercialisation débute ainsi en Décembre 1960, la production démarre dans l’usine Panhard d’Ivry. Mais la 2CV Sahara est proposé au double du prix d’une 2CV de base, ce qui limitera sa diffusion tout au long de sa carrière. Rapidement, Citroën organise un petit évènement pour prouver les capacités de la voiture, en Juillet 1961, une 2CV Sahara grimpe sur la Dune du Pyla en quatre heures !

Citroën 2CV Sahara (1)

                Mais en 1962, la France perd l’Algérie, et la 2CV Sahara perd son principal débouché. Pour éviter de subir les rancœurs de l’indépendance de cette ancienne région française, Citroën change le nom de la voiture qui devient 2CV 4×4. A partir de 1964, la 2CV Sahara fut également produite en Espagne en doublon avec l’usine d’Ivry, et cette même année, les portes avant s’ouvrent dans le bon sens comme le reste de la gamme. Mais au final, les ventes restent anecdotiques et Citroën met un terme à l’aventure en 1967 après 693 exemplaires produits. Un mystère demeure, celui d’un 674ème exemplaire qui aurait été assemblé en 1971…