La 2CV 4×4 Sahara, voilà un modèle mythique que tous les « deuchistes » connaissent, et même nombre de passionnés de voitures anciennes en général. Il faut dire que la voiture a de quoi intéresser, outre qu’elle fasse partie de la grande famille des bicylindres Citroën, la Sahara étonne par sa fiche technique qui présente deux moteurs !
Production : 694 exemplaires (1960-1967)
A l’origine de la 2CV 4×4 Sahara, on trouve la 2CV Citroën, mais surtout l’idée de l’ingénieur Bonafous de loger deux moteurs pour créer une voiture tout-terrains. Michel Bonafous, ingénieur aéronautique reconverti dans les Travaux Publics aux débuts des années 1950, dispose d’une 2CV Type A et d’une Jeep pour rouler sur les terrains difficiles. Mais voilà, autant la Jeep est une excellente voiture tout-terrain, autant son comportement sur la route est à la limite du dangereux. Et puis, il y a la problématique des pièces détachées de l’américaine : les pièces ne sont pas toutes disponibles, et quand elles le sont, c’est à des prix élevés. Quant à la 2CV, si son architecture lui permet de s’aventurer sur quelques chemins difficiles, la faible puissance de son 375cm3 ne lui permet pas de franchir tous les obstacles. Entre ses deux voitures, Michel Bonafous se dit qu’une solution intermédiaire pourrait avoir du sens, et le voilà partir bricoler sa 2CV pour la transformer en quatre roues motrices.
Focus sur : Citroën 2CV Type A
C’est à partir d’une 2CV Type A que naît le concept de la 2CV Sahara. Première version de la 2CV, la Type A… [En savoir plus…]
La faible puissance du moteur de la Citroën 2CV Type A (9Ch) ne permet pas de transformer la 2CV en quatre roues motrices. Michel Bonafous a une idée, doter la 2CV d’un moteur par essieu en logeant un second moteur dans le coffre. Les plans établis courant 1954, la voiture est achevée en février 1955, et peaufinée au fil des mois. Courant 1956, Citroën est averti de l’existence de cette voiture, selon certains par le frère de Michel Bonafous qui interpela Citroën en envoyant un courrier avec quatre photos et trois croquis, selon d’autres par l’agent Citroën l’Oloron Sainte Marie qui fit remonter en interne cette transformation. C’est suffisant pour qu’une équipe d’ingénieurs du bureau d’études de Citroën fasse le déplacement à Laruns (Pyrénées Atlantiques) pour y découvrir la voiture et procéder aux premiers essais. La copie rendue par Michel Bonafous est bonne, Citroën décide d’étudier plus avant l’idée, d’autant qu’en ce milieu des années 1950, la prospection pétrolière bat son plein dans le Sahara français après la découverte en 1956 du premier gisement de pétrole. Une rapide étude de marché démontre qu’une clientèle existerait pour une telle voiture.
Voilà comment les bureaux d’études de Citroën se trouvent à plancher sur une 2CV 4×4, avec en ligne de mire l’amélioration du concept pour le rendez fiable et surtout, industrialisable. Citroën chargea l’ingénieur Marcel Chinon de travailler sur une 2CV à quatre roues motrices à destination des sociétés pétrolières travaillant au Sahara. Le premier prototype ne peut fonctionner qu’avec les deux moteurs en marche. Par la suite, Jean-Claude Bouquet est chargé de retoucher au projet en permettant de désaccoupler les moteurs, et c’est la société Panhard qui est chargé de la construction des premiers prototypes qui sont testés dans la Mer de Sable de la forêt d’Ermenonville puis ensuite dans la Forêt de Fontainebleau. Ces essais permettent d’apporter quelques retouches : adoption d’un seul levier de vitesses, renforts sur le châssis, et tôle de protection sous le moteur…
Par un courrier daté du 04 mars 1958, Citroën convoque la presse le 07 mars 1958 dans la Mer de Sable d’Ermenonville pour y présenter une nouvelle variante de la 2CV. La voiture présentée n’est encore qu’un prototype, mais Citroën dévoile ses ambitions : il s’agit d’une voiture conçue pour la prospection pétrolière en ajoutant aux qualités déjà reconnues de la 2CV des capacités de franchissement. La démonstration dans la Mer de Sable (en la présence de dromadaires !) permet à la presse de constater la facilité avec laquelle la voiture évolue en milieu hostile, mais aussi sa capacité à gravir des pentes de 40%. La voiture présentée n’est encore qu’un prototype et ressemble à s’y méprendre à une 2CV AZLP, seules les roues plus grandes et la malle de porte modifiée et entrouverte permettent d’attirer l’attention.
Au mois d’octobre 1958, Citroën donne le feu vert à l’intégration future de la 2CV 4×4 Sahara dans son catalogue, la voiture est présentée au grand public au mois de novembre 1958 lors du salon des Véhicules Industriels, porte de Versailles à Paris. Cette fois, la 2CV 4×4 Sahara adopte sa carrosserie définitive : roue de secours sur le capot avant spécialement modifié à cet effet, et la malle arrière est profondément remaniée pour permettre le refroidissement du moteur. Les ailes arrière sont échancrées pour faciliter le changement des roues, les portes avant reçoivent une goulotte pour le remplissage des réservoirs.
La fiche technique de la 2CV 4×4 Sahara a de quoi intéresser : elle s’équipe de deux bicylindres de 425cm3 qui développent 13Ch chacun, alimentés par un carburateur type Solex 26 CBIN (et filtre à air à bain d’huile en option). Si la voiture a deux boites de vitesses, elles marchent simultanément par une commande hydraulique qui actionne les deux embrayages en même temps. Chaque moteur dispose d’une dynamo pour charger la batterie…
Dévoilée en novembre 1958, la Citroën 2CV 4×4 Sahara se fait attendre. Peut-être parce que l’armée française a rapidement demandé un prototype pour l’évaluer, celui-ci est livré en juillet 1959. A la fin de l’évaluation, l’armée française ne retient pas la voiture pour ses casernes. Voilà l’homologation obtenue du Service des Mines le 11 octobre 1960 sous l’appellation « 2 CV AZ 4 X 4 ». La commercialisation, elle, ne débute qu’à partir de février 1961. Pour accompagner sa sortie, Citroën fait gravir la Dune du Pyla en juillet 1961, une ascension réussie par la 2CV Sahara en quatre heures. Aux 20 exemplaires fabriqués en 1960, ce sont 274 2CV Sahara qui sortent de l’usine Panhard d’Ivry en 1961. Mais en 1962, avec l’indépendance de l’Algérie, la 2CV Sahara renommé en 2CV 4×4 tombe à 112 exemplaires.
Avec la perte de son marché principal, la 2CV 4×4 devient un produit de niche, d’autant que son prix de lancement (9.820 Francs) est deux fois plus chère qu’une AZLP (vendue 4.750 Francs). La 2CV 4×4 obtient quelques ventes au compte-gouttes, soit de la part de quelques administrations ou sociétés pour des usages spécifiques, ou de quelques particuliers en zone de montagne. Citroën arrive à vendre 80 exemplaires à la Guardia Civil espagnole en 1964. La voiture connait que peu d’évolutions, elle conserve le capot ondulé des premières 2CV quant le reste de la gamme est passé au capot à cinq nervures. Au mieux, elle se contente des clignotants latéraux en plastique à partir d’avril 1963, ou des portes qui s’ouvrent dans le bon sens dès la fin 1964.
En tout cas, les ventes de la 2CV 4×4 ne se relèvent pas de la perte de l’Algérie. En 1963, seuls 87 exemplaires sont assemblés, 138 l’année suivante grâce à la commande de la Guardia Civil, mais seulement 35 unités en 1965, 27 en 1966. Des ventes trop faibles pour maintenir cette version au catalogue, la 2CV 4×4 s’efface en toute discrétion au cours de l’année 1967 après la fabrication d’un unique et dernier exemplaire.