C’est au cours des années 1930 qu’Adolf Hitler arrive au pouvoir en Allemagne, il se lance alors dans divers projets ayant pour but de mettre son pays sur le devant de la scène. L’instrumentalisation du sport fait parti de cette politique, les jeux olympiques de 1936 furent ainsi l’objet d’une large propagande. Dans le domaine du sport automobile, l’Allemagne compte bien mettre sur le devant de la scène ses constructeurs nationaux, Mercedes s’intéresse alors au record du monde de vitesse, et prépare une arme ultime : la T80.
Dans les années 1930, Mercedes-Benz était un acteur important des Grand-Prix et concurrençait un autre constructeur allemand : AutoUnion. C’est la grande époque des « Flèches d’Argent ». En 1937, Mercedes présente la W125 qui succède à la W25, une voiture conçue spécialement pour les grand-prix qui allie moteur puissant de 595Cv et aérodynamisme, ce qui permet à la voiture de dépasser les 300km/h. Et pour le début de l’année 1938, Mercedes développe une version de la W125 pour battre le record de vitesse sur route ouverte, la W125 Rekordwagen qui atteint 432,7km/h le 28 Janvier 1938. Ce dernier n’est toujours pas battu à ce jour, mais Mercedes restait loin du record de vitesse automobile, alors détenu depuis Novembre 1937 par une voiture anglaise : la Thunderbolt d’Eyston qui avait signée un 502,11km/h.
Cependant, le record de vitesse terrestre semble à porté si Mercedes-benz conçoit une voiture à cette unique fin. C’est le pilote allemand Hans Stuck qui porte ce projet depuis 1937, qui convainc la marque allemande d’investir dans une telle aventure. Ce projet est également soutenu par le régime nazi (officiellement, c’est Hitler qui a ordonné le développement de ce projet…), ce qui permet à Mercedes de disposer de fonds et surtout, d’avoir le concours de Ferdinand Porsche. Le premier projet prévoyait une voiture capable d’un 550km/h; mais au cours de l’été 1938, les anglais Cobb et Eyston se battent sur le lac de Bonneville aux Etats-Unis, les 575km/h sont désormais atteints.
Par conséquent, l’équipe dédiée au record chez Mercedes-Benz vise désormais de passer au-delà des 600km/h, mais avant que ne démarre la construction du prototype, un ordre venant du Reichstag souhaite que ce projet puisse atteindre les 750km/h. En effet, comme ce record aura lieu sur le sol allemand, la propagande nazie souhaite frapper un grand coup pour démontrer la supériorité de la technologie allemande en signant un record qui sera difficile à battre.
La Mercedes-Benz T80 nait ainsi, sa construction débute en 1939 et coutera 600.000 DeuchMark. Son moteur est un V12 Daimler-Benz DB603 de 44,5 litres de cylindrée, il s’agit d’un moteur d’avion qui équipe Messerchmitt BF109, et qui développait 3.000Ch. Celui-ci fonctionnait avec un mélange d’alcool méthylique (63%), de benzène (16%), d’Ethanol (12%), d’Acétone (4,4%), de nitrobenzène (2,2%), d’Avgas (2%) et d’Ether (0,4%); le refroidissement est assuré quand à lui à l’aide de Méthanol-Eau.
Côté châssis, la Mercedes T80 reçoit trois essieux, un choix peu judicieux car plus le nombre de roues augmente, plus les frottements sont forts, mais avec une longueur de plus de 8 mètres, ce choix semblait inévitable. Le moteur se situe au centre du châssis et entraîne les deux essieux arrières. Le tout est caréné par une carrosserie en aluminium réalisée par l’aérodynamicien Josef Mikcl, qui dote la Mercedes de deux petites ailes latérales pour empêcher la voiture de se soulever, un système qu’avait breveté Mikcl. Au final, la voiture pèse 2.896kg, et sa carrosserie affiche un Cx de 0,18.
La Mercedes T80 se dote aussi d’une invention de Ferdinand Porsche, un système pour éviter que les roues ne dérapent. Celui-ci permettait de comparer la vitesse des roues avant (non entraînées) à celle des roues arrières, s’il y a avait une différence, l’approvisionnement en carburant été réduit jusqu’à ce que les roues tournent à la même vitesse. Côté freinage, la T80 est équipée de quatre patins de frein sur chacune de ses six roues, chacun de ces patins étant équipé d’un cylindre de commande de frein. Pas moins de trois pompes de frein centrales (une par essieu) sont nécessaires pour activer les 24 cylindres de commande de frein que comprend la voiture.
Comme nous l’avons déjà évoqué, ce record devra être effectué en Allemagne, puisqu’il était impensable pour les dirigeants nazis d’amener leur voiture dans un autre pays. Pour que le record soit 100% allemand, les ingénieurs Mercedes se mettent en quête d’un lieu approprié; un tronçon d’autoroute entre Dessau et Leipzig pourrait convenir au projet, mais des modifications sont nécessaires afin de créer une ligne droite de 10 kilomètres. Les travaux débutent, et la bande entre les deux voies est elle aussi bétonnée afin que la « piste » fasse 25 mètres de large.
Dans le même temps, Adolf Hitler surnomme lui-même la voiture de « Schwarzer Vogel » (Oiseau Noir) et demande à ce que la Mercedes T80 soit peinte aux couleurs nationalistes allemandes, avec notamment un aigle allemand. La tentative de record est prévue pour Janvier 1940 au cours de la semaine du Record.
La Mercedes T80 est fin prête courant 1939, la voiture aurait été testée en fin d’année sur le tronçon d’autoroute modifié à cet effet, la voiture était alors pilotée par Hans. L’ensemble des acteurs du programme sont confiants, d’autant plus que l’anglais Cobb sur sa Railton Special avait porté le record de vitesse à 595km/h, bien en dessous de ce que visait la Mercedes T80.
Malheureusement, en raison de la guerre qui éclate en Europe, la tentative de record est décommandée et la voiture est remisée dans l‘idée de remettre le record à plus tard. Mais quand l’effort de guerre devient conséquent, le moteur de la Mercedes T80 est démonté pour servir de moteur de rechange dans une unité d’aviation. Le reste de la voiture est mise à l’abri en Autriche dans la ville de Karnten. La voiture fut retrouvée à la fin de la guerre et fut confiée à Mercedes-Benz, qui depuis la conserve dans son musée.
Intéressant l’antipatinage de Ferdinand Porsche !