Le 06 Septembre 1914 au soir, naît l’une des légendes bien réelle de la première guerre mondiale, avec la réquisition des taxis de Paris pour transporter les soldats jusqu’au front, à quelques dizaines de kilomètres de Paris : c’est l’épisode des taxis de la Marne. Celui-ci dure pendant trois jours pendant lesquels 600 Taxis acheminent plus de 5.000 soldats permettant de stopper l’avancée allemande sur Paris.
Les prémices
Paris avant guerre, ville moderne, ville électrifiée, avec un réseau de transport en commun moderne, dont les omnibus à chevaux ont été remplacé par des omnibus à pétrole, sans oublier les nombreux taxis automobiles qui arpentent les rues de la capitale. Parmi les sociétés de taxis, la Compagnie Française des Automobiles de Place, la plus importante, fut fondée en 1905 et choisi dès ses débuts la Renault Type AG de 8 chevaux. En 1914, 12.000 Taxis roulent à Paris, dont les trois-quarts sont des Renault Type AG.
Durant l’été 1914, la tension entre les pays européens est à son comble, l’attentat de Sarajevo du 28 Juin 1914 enclenche le jeux des alliances et divise l’Europe en deux, les déclarations de guerre s’enchainent. L’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 Août 1914, les ordres de mobilisation générale sont lancés, massant des millions d’hommes le long de la frontière. Les premiers combats font rage, mais les troupes françaises perdent pied face aux allemands, dès le 23 Août, la grande retraite débute. Dès lors, une ligne de défense commence à se former dans la Marne pour défendre Paris.
L’entrée en scène des taxis
Dès la connaissance du gouvernement de l’avancée allemande sur Paris fin Août 1914, est décidé de réquisitionner des taxis dans le but de déplacer les archives du ministère de la guerre si la menace allemande sur Paris se faisait trop forte. Dès lors, une réserve permanente de 150 taxis est créée et mobilisable à tout moment.
Mais rapidement, dès le 03 Septembre, les premières troupes allemandes sont repérées à moins de 40km de Paris, et le 05 Septembre, les combats reprennent entre les soldats allemands et français, la guerre est désormais à trente kilomètres de Paris. Le lendemain, le Maréchal Joffre lance une contre-attaque sur le front de l’Ourcq situé vers Meaux, afin de déstabiliser l‘offensive allemande. L’Etat-major français doit trouver à la hâte une solution pour envoyer des troupes fraîches au front et défendre Paris coûte que coûte.
Dans un premier temps, l’Etat-major réquisitionne les trains mais rapidement, l’on s’aperçoit que le réseau désert mal le front, d‘autant plus qu‘un déraillement avait endommagé les lignes de chemin de fer quelques jours plus tôt. C’est donc vers les taxis que le Général Galliéni se tourne, et lance le 06 Septembre 1914 l’ordre de réquisition de 1.200 Taxis. L’objectif des taxis est de transporter les soldats basés à Tremblay-les Gonesses, à 30 kilomètres du centre de Paris, et de les rapprocher du front.
Problème, la réquisition intervient dans la soirée du 06 Septembre, et peu de chauffeurs de taxis sont disponible passés 18 heures. Vers 22 heures, les 150 Taxis de la réserve permanente sont convié sur l’esplanade des invalides, rejoint par une centaine d’autre taxis réquisitionnés à la hâte dans les rues de Paris, complété par quelques rares bus et quelques voitures particulières. Le départ a lieu vers minuit, direction Tremblay-les Gonesses, entre temps, le convoi grossi de quelques taxis rencontrés au fur à mesure de la route.
Les Taxis atteignent les troupes française aux alentours de 2 heures du matin, suivit une heure plus tard de 150 véhicules militaires commandés par le Capitaine Roy. Les soldats embarquent dans les véhicules, mais le convoi ne démarre pas avant 4h20, faute d’absence d’ordre de mise en route. Une fois l’ordre reçu, le convoi prend la direction de Dammartin, mais ne fera à peine dix kilomètres avant d’être stationné durant la journée du 07 Septembre.
Ce même jour, à Paris, la réquisition des taxis continue, 700 taxis sont réunis le matin pour partir des invalides direction Gagny, qui fut atteint le soir. Les trois bataillons du 103e embarquent dans les taxis et le convoi part pour Silly-le-Long, atteint le 08 Septembre au petit matin.
Quant au premier convoi, celui-ci repart le 07 Septembre au soir après avoir chargé d’autres soldats, et rejoint dans la nuit le convoi parti de Gagny, pour arriver a Silly-le-long en même temps. Une fois les troupes débarqués, les taxis reviennent sur Paris pour faire rémunérer leur course par le trésor-public.
Les taxis de la marne, une légende plus qu’une opération déterminante.
Si les Taxis de la Marne permettent d’acheminer rapidement plus de 5.000 hommes « frais » au front, cette opération ne fut en aucun cas déterminante dans le déroulement de la bataille de la Marne, ne serait-ce que par les effectifs transportés dont le nombre est dérisoire par rapport au nombre de soldats engagés lors de la bataille. Par ailleurs, les troupes transportées par les taxis revenaient juste de la grande retraite, et la plupart des hommes étaient épuisés par cette retraite sur Paris; et celles-ci ne furent envoyés par les taxis qu’en seconde ligne sur le front, et n’auront pas à subir d’assaut direct de l’ennemi pendant la manœuvre.
Mais cet épisode de la guerre marque les soldats ainsi que la population, l’opération en elle-même est inédite et marque par son ampleur, devenant un symbole de l’unité nationale entre les civils et les soldats; renforçant aussi la première guerre mondiale dans une guerre de propagande.
Conclusion
Lors de leur retour sur Paris, les chauffeurs des taxis, conformément à ce qui était convenu, se feront payer la course par le trésor public. Le compteur des Taxis était enclenché sur le « Tarif 2 » (plus de trois passagers, en dehors de Paris), avec comme forfait, 75 centimes pour les 750 premiers mètres, majoré de 10 centimes tout les 250 mètres, et 2,50 Francs de l’heure à l’arrêt. La distance parcourue par les taxis varie entre 120 et 200km, ce qui représente une somme allant jusqu’à 130 francs pour les taxis ayant le plus roulé, ce qui représentait plus de 10 jours d’un salaire pour un ouvrier ! Exactement, cette opération coûte à l’Etat 70.102 Francs, dont 27% furent reversé aux chauffeurs, le reste à la société de Taxis.
Quant aux Taxis de la marne, tous continuèrent leur carrière dans les rues de Paris durant et après la guerre, mais furent petit à petit déclassés et remplacés. Et lors de leur déclassement, la Compagnie Française des Automobiles de Place ne pouvait les revendre librement, puisque le contrat signé avec Renault empêchait la revente des taxis avec leur carrosserie. Par conséquent, les châssis furent revendu et les carrosseries furent le plus souvent détruites. Quelques rares exemplaires ont toutefois survécu, et sont aujourd’hui présent dans la plupart des musées traitant de la première guerre mondiale. Quelques autres exemplaires ont fini entre les mains de passionnés qui participent avec aux commémorations ou reconstitutions historiques.
La petite histoire dit que c’est une prostituée qui aurait suggéré au général Gallièni de transporter ainsi les soldats. Il lui aurait dit qu’il na savait pas comment procéder et elle lui aurait répondu par boutade: »eh bien, faites leur prendre le taxi ». je ne peux assurer que cette anecdote est vraie, mais je ma rappelle avoir lu cela quelque part.