La Cole Motor Car Company était un constructeur automobile américain, situé à Indianapolis et fondé en 1909. Avec un peu plus d’un millier d’exemplaires produits annuellement dans les années 1920, le fondateur de cette entreprise décide de la liquider en profitant d’une période sans dette, en 1925.
Aux origines de la Cole Motor Car Company
L’histoire de Cole commence avec le fondateur Joseph Jarrett Cole, natif de l’Indiana en 1869, qui a commencé à travailler vers 1888 en tant que vendeur au sein de la Parry Manufacturing Company d’Indianapolis, un producteur de voitures hippomobiles. On le retrouve également salarié au sein de la Moon Carriage Company, toujours dans le même domaine d’activité. Grâce aux commissions qu’il empoche sur chaque vente, Joseph Jarrett Cole se constitue un petit pécule. En novembre 1904, Joseph Jarrett Cole vole de ses propres ailes en achetant la moitié du capital social de la Gates-Osborne Carriage Company, et la renomme le 4 décembre 1905 en Cole Carriage Company. Constructeur de voitures hippomobile, ses talents de vendeur lui permettent d’écouler plus de 3.000 unités chaque année.
Avec ses bénéfices, Joseph Jarrett Cole se met à étudier l’automobile, un marché plus porteur que les voitures hippomobiles qui commencent à souffrir de la concurrence des voitures à moteur. Déjà, en 1903, il avait construit un prototype de voiture à moteur, la Rockford, sans aller jusqu’à la produire, sans doute pour se laisser la possibilité de racheter une société. En 1908, la première voiture à moteur de la Cole Carriage Company est étudiée, notamment grâce à Charles S. Crawford, un ingénieur diplômé tout juste embauché. La Cole Solid Tire naît en octobre 1908, on remarque de suite la continuité avec les voitures hippomobiles : grandes roues en bois avec bandage en caoutchouc. La commercialisation de cette voiture s’effectue en fin d’année, mais elle trouve difficile son public avec seulement 170 ventes au cours des sept mois suivants sa présentation.
Des faibles chiffres de ventes qui ne font pas désespérer Joseph Jarrett Cole ni les administrateurs de son entreprise. Après tout, l’automobile commence à supplanter les voitures hippomobiles, elle semble la seule voie d’avenir. Une seconde voiture est mise en projet et dévoilée à l’équipe dirigeante et aux associés de la Cole Carriage Company début juin 1909. Cette fois, la copie rendue est bonne, si bien qu’à la fin du mois, la Cole Carriage Company devient la Cole Motor Car Company
La Cole Motor Car Company
C’est sur les bases de la Cole Carriage Company qu’est construite la Cole Motor Car Company, l’entreprise propose alors la « Cole Flyer », commercialisée aux côtés de Cole Solid Tire pour quelques semaines encore. Les premières Cole Flyer sont assemblées dans une écurie louée par l’entreprise à quelques encablures des usines de voitures hippomobiles. Le départ est lent, en septembre 1909, la Cole Motor Car Company n’assemble que six voitures. Il faudra un prêt de Harvey S. Firestone, président de la Firestone Tire and Rubber Company, pour permettre d’accélérer les cadences d’assemblage. En octobre 1909, ce sont désormais 30 voitures, 42 en novembre, avant de redescendre à 33 voitures en décembre. Mais la machine était lancée.
Pour sa conception, la Cole Motor Car Company ne conçoit que le châssis et la carrosserie, tout le reste provient de sous-traitants, y compris le moteur quatre cylindres de la Flyer, qui provient de l’entreprise Northway. Moins noble qu’un constructeur qui vend ses propres créations, Joseph Jarrett Cole a le sens de la formule : les Cole sont des voitures standardisées en étant équipées par les meilleurs fournisseurs dans leur domaine respectif. C’est ainsi que la Cole Flyer est l’une des premières voitures américaines à proposer des jantes démontables en équipement de série. J.J. Cole fut très agressif sur la publicité, sponsorisant là une équipe de baseball, distribuant ici des cigarettes à l’effigie de sa marque, ou en embauchant un reporter de l’Associated Press pour gérer la communication du constructeur, bénéficiant ainsi de son réseau auprès de journalistes… A une réclame agressive s’ajoute un engagement sportif, et déjà les premières victoires grâce à des pilotes engagés par l’entreprise qui permettent de mettre en lumière les productions de Cole et leur fiabilité/vélocité.
Des efforts payants puisque la Cole Motor Car Company a produit 112 voitures au cours des quatre derniers mois de 1909 ; 783 voitures en 1910 et 1 316 voitures en 1911, tout en engrangeant des bénéfices. Pour répondre à la demande, Cole quitte rapidement son écurie pour une usine flambant neuve, financée par les résultats des premières ventes. La nouvelle usine assemble des voitures sur le modèle de l’assemblage progressif : la voiture est assemblée en poursuivant un chemin prédéfini au sein de l’usine, en ajoutant les composants dans une séquence logique. Ce n’est pas encore la chaine de montage de Ford, mais Cole s’inscrit dans une logique industrielle.
En 1912, la Cole Motor Car Company a introduit deux nouveaux modèles, le Colonial Coupe, une voiture fermée vendue 2 500 dollars et le Cole Speedster, une voiture à tendance sportive qui promet la vitesse de 70 miles à l’heure. Les modèles 1912 étaient équipés de phares électriques, d’un démarreur automatique à gaz acétylène, d’un double allumage Bosch et d’un carburateur Schebler. C’est là l’avantage de la voiture d’assemblage : pouvoir se doter des derniers raffinements en matière d’équipement. En 1913, Cole n’hésite pas à dépenser 200.000$ en communication pour venter les mérites de sa voiture d’assemblage qu’il oppose à la voiture fabriquée.
La formule est gagnante pour Cole puisque de 1.316 voitures en 1911, le constructeur passe à 1.991 voitures assemblées en 1912 et 3.547 en 1913. Très vite, l’usine de la Cole Motor Car Company doit être agrandie pour atteindre une capacité maximale de 6.000 voitures par an. En 1913, Cole propose un moteur six cylindres pour sa plus grande voiture de tourisme. Une montée en gamme qui s’accompagne d’une montée des prix, le premier prix de la gamme Cole est de 1.985$ pour terminer à 4.000$. Couplé à un ralentissement économique causé par la Première Guerre Mondiale en Europe, cette hausse des prix a eu comme conséquence de voir les ventes diminuer cette année-là (3.547 unités), ainsi qu’en 1914 (1.748 voitures). Pour l’année 1915, Cole décide de réduire ses prix et change la dénomination de ses modèles. La moins chère des Cole est proposée au prix de 1.485$ en carrosserie ouverte, 1.885$ pour un coupé. A l’opposé du catalogue, la Big-Six 6-60 dans sa variante Limousine est commercialisée à 3.750$.
L’année 1915 est surtout marquée par l’arrivée du Model 8-50 équipé d’une motorisation V8, encore rare sur le marché puisque Cadillac était pionnier en la matière et le constructeur Cunningham venait tout juste de proposer son V8. Le moteur proposé par Cole est un V8 de 346,3 Ci pour 39Ch, il est fabriqué par Northway, filiale de General Motors qui fournissait également le V8 Cadillac. D’ailleurs, des discussions ont lieu en 1915 entre Cole et General Motors en vue d’un rachat de la Cole Motor Car Company, un projet qui resta sans lendemain. Sur le plan des ventes, le marché américain retrouve des couleurs et Cole en profite, écoulant 2.703 voitures en 1915 et 4.445 unités en 1916. Sur le plan comptable, la firme réalise des bénéfices mais ils sont inférieurs à la moyenne su secteur automobile : l’année 1914 pèse lourd dans les comptes, mais aussi les déboires mécaniques sur les premiers V8 vaudront à Cole de prendre en charge le remplacement des pièces défectueuses voire les moteurs des modèles de 1915. Cela n’empêche pas Cole de faire du V8 son cheval de bataille, abandonnant à partir de 1916 ses modèles Four (quatre cylindres) et Six (Six cylindres).
Pendant la période de 1917 à 1919, la Cole Motor Car Company affiche de bons résultats. Si l’entrée en guerre des Etats-Unis d’Amérique en 1917 provoque une pénurie de matière première, par conséquent une baisse de production des automobiles Cole sur les années 1917-1918 (2.439 voitures produites en 1918), l’outil de production est resté intact et n’a pas été orienté vers une production militaire. Surtout, à partir de 1917, Cole étudie un nouveau modèle, la Cole Aero-Eight présentée ay salon de New York 1918. En conséquence, à la signature de l’armistice, la Cole Motor Car Company était dans une position très favorable et pouvait répondre sans délai à la demande du marché. C’est sans surprise qu’en 1919, la Cole Motor Car Company signe un record de production avec 6.255 voitures vendues, ce qui fait de Cole le second constructeur de voitures haut de gamme aux Etats-Unis, derrière Cadillac et ses 19.851 voitures.
La reprise spectaculaire du marché automobile donne des ambitions à la Cole Motor Car Company et évalue sa production de 1920 entre 12.000 et 15.000 unités. C’est sur ces ambitions que l’entreprise établit son programme de production en passant des contrats avec les sous-traitants, mais aussi en investissant massivement dans la communication. Si le premier trimestre 1920 permet à la Cole Motor Car Company d’être confiant avec 2.606 voitures commandées, l’économique américaine va ralentir après avoir connu un pic d’activité en mai. La demande en automobile commence à patiner, les voitures haut de gamme souffrent. Sur l’année 1920, si Cole vend 5.838 voitures, plus des 3/4 des ventes ont été enregistrées sur le premier semestre. A titre d’exemple, Cole ne vend que trente automobiles en décembre 1920.
Avec son important stock de pièces pour le modèle 1920, Cole est contraint de faire perdurer son modèle sur le millésime 1921 en apportant des retouches à la marge, et surtout, en diminuant les prix pour stimuler la demande. 1921 ne fut pas une meilleure année, la dépression continue et Cole ne vend plus que 1.722 voitures, le stock ne diminue pas et continuera d’être utilisé en 1922. Si le marché automobile commence à reprendre des couleurs, c’est en faveur des automobiles bon marché, le domaine du luxe reste en déclin. La Cole Motor Car Company n’écoule que 1.522 voitures en 1923, un chiffre qui tombe à 632 voitures en 1924. Aux bénéfices, la Cole Motor Car Company connait depuis 1922 des pertes d’exploitation. Conscient que l’activité ne reprendra pas, Joseph Jarrett Cole est contraint de mettre un terme à son entreprise. Les opérations de liquidation de la Cole Motor Car Company débutent en janvier 1925, elle se terminent à l’été de cette même année, quelques semaines après le décès de J.J. Cole.
La Cole Motor Car Company a suivi une lame de fond : en 1922, 10% des constructeurs automobiles américains font faillite, ce sera 15% en 1923 et 21% en 1924. L’industrie automobile voit disparaitre de nombreux constructeurs, principalement des petites entreprises et des assembleurs, la voie à suivre est celle des entreprises intégrées à de grands groupes capable de produire de manière très économique et en grande quantité.
Sources :
Howard R. DeLancy, « The Cole Motor Car Company », The Business History Review, p. 260 et suivantes.