Présentée en 1934, la Chrysler Airflow est l’une des voitures emblématiques des années 1930, elle fut l’une des premières à s’intéresser à la carrosserie aérodynamique, d’où son nom qui signifie en français « flux d’air ». Emblématique du streamline moderne, la voiture a cependant connu un échec sur le plan commercial…
Après le krach boursier de 1929, les Etats-Unis plongent dans la grande dépression, l’industrie du pays est fortement impactée tandis que la consommation s’arrête brusquement. Pour relancer la machine, les entreprises encore présentes veulent apporter du sang neuf sur le marché, c’est également à cette époque que des stylistes et créateurs se démarquent. C’est ainsi que naît le courant du streamline moderne qui vise à donner des lignes fluides aux objets usuels.
Mais le marché automobile est plutôt frileux, il faut dire que la production a perdu un million d’unités entre 1930 et 1932. Du côté de Detroit, le chômage est devenu un fléau dans la capitale de l’automobile, les trois grands constructeurs que sont GM, Ford et Chrysler attendent des jours meilleurs pour innover. Mais comme cette relance ne vient pas, Chrysler décide de changer de fusil d’épaule à partir de 1932 et lance un programme totalement décalé visant à produire une voiture aérodynamique. Ce programme était extravagant et n’aurait pas eu la chance d’aboutir s’il n’était pas soutenu par Walter Chrysler en personne.
Le programme de l’Airflow fait participer de nombreux ingénieurs et stylistes, si bien qu’il est difficile de raconter la genèse de cette voiture. On attribue la paternité de la voiture à Carl Breer qui était alors le directeur du projet, qui fut épaulé par Orville Wright, aviateur qui amène sa connaissance de l’aérodynamique, ou encore l’ingénieur William Earnshaw qui travaillait sur les conséquences de la carrosserie sur la pénétration dans l’air des automobiles. Mais bien d’autres personnalités ont œuvré sur ce projet.
Les premiers plans et dessins s’inspirent, semble-t-il, des avions de chasse de l’époque ou encore des locomotives qui, pour certaines, prenaient des formes futuristes en ce début des années 1930. La ligne de la voiture est ensuite peaufinée par des maquettes testées en soufflerie, une première dans le monde de l’autonomie. Ceci permet de choisir la meilleure forme et même d’opter pour la caisse autoporteuse, une solution technique développée dans les années 1920 mais encore peu diffusée.
Ces premières études débouchent sur le prototype Trifon Special qui est présenté en 1932, celui-ci est peu convainquant par son style lourds avec son importante entrée d’air avant. Mais pour autant, la ligne de ce prototype est moderne et les prémices de l’Airflow sont là. Les études perdurent mais se font initialement sous la marque DeSoto, puis la voiture fut également commercialisée sous la marque Chrysler sur la volonté de Walter Chrysler lui-même.
La Chrysler Airflow débarque sur le marché automobile en 1934, la voiture est tellement moderne pour son époque qu’elle semble renvoyer ses rivales au rang des antiquités. Lors des premières présentations au public, la voiture reçoit un accueil enthousiaste du public. Toutefois, cette voiture d’ingénieurs a été conçue sans prendre en compte les aspects commerciaux, un oubli qui fut fatal à la voiture. En effet, trop radicale, la Chrysler Airflow rompt totalement avec les habitudes du marché automobile, ce qui effraie les clients.
Ceci se mesure très rapidement, car à la fin de l’année 1934, on dénombre 10.000 Chrysler Airflow vendues, ce qui est peanuts à l’échelle américaine, preuve en est, le groupe Chrysler écoula 450.000 voitures cette année-là. Les clients qui sont passés outre le style de la voiture ont pu apprécier les atouts de l’Airflow : le confort avec un intérieur très bien fini, une banquette arrière installée de façon à ne pas faire ressentir les à-coup de la suspension.
Quant au moteur, la Airflow embarque un huit cylindres en ligne de quatre litres de cylindrée qui développait 122Cv, ce qui permettait une vitesse de pointe de 140km/h ou encore d’effectuer le 0-100km/h en 29,5 secondes, des scores honorables pour cette époque, encore plus quand on sait que la voiture pèse 1,9 tonnes !
Mais le succès n’étant pas au rendez-vous, Chrysler modifie rapidement l’Airflow pour lui octroyer une calandre plus conventionnelle dès le millésime 1935, la voiture s’affirme mais s’éloigne des principes du streamline moderne. Mais rien n’y fait, la clientèle ne s’amasse toujours pas plus nombreuse pour acheter une Airflow dont moins de 10.000 unités ont été vendues. Par conséquent, en 1936, Chrysler opère un nouveau restylage de la voiture avec une calandre qui semble s’affiner.
Rien n’y fait, la Chrysler Airflow ne prend pas car en 1936, seules 6.500 unités ont été vendues. Chrysler réduit donc la gamme de carrosseries proposées en 1937, qui fut la dernière année de commercialisation de la voiture, produite au final à 29 878 exemplaires. Malgré son échec retentissant, la Chrysler Airflow a su marquer les esprits et demeure aujourd’hui une voiture mythique, celle qui inspira le streamline modern sans pour autant en profiter. L’Airflow démontra ainsi qu’au delà de son aspect technique, la carrosserie à une véritable vocation commerciale.
Je tiens à rappeler que la Chrysler Airflow avait un Cx médiocre de 0,48. Et des marques comme Tatra ou Voisin, qui on le mérite d’avoir travaillé très sérieusement sur l’aérodynamique de leur autos (on parle de Cx de 0,30 voire 0,28), avait au moins un train d’avance sur Chrysler dans les années 30. L’esthétique de l’Airflow, que je trouve très réussie par ailleurs, laisse penser que la voiture est aérodynamique, mais même pour les critères de l’époque, ça n’est pas le cas.
cette ligne a certainement inspiré Peugeot pour ses voitures dites »Fuseau-Sochaux »