A la fin des années 1930, l’Allemagne nazie abuse de la propagande pour démontrer sa supériorité, le domaine des sports est mis à contribution, et notamment le sport automobile où Mercedes-Benz et AutoUnion s’affrontent sur les grands-prix européens. Mais ce n’est pas tout, car le pouvoir en place incite les études aérodynamiques pour aller battre les records de vitesses dont Mercedes s’en fera une spécialité…
Mercedes était un important acteur des grands prix dans la seconde partie des années 1930, notamment avec la W25, une voiture spécialement conçue pour la compétition, marquant le début des flèches d’argent. Après trois saisons, Mercedes présente la W125 en 1937, une nouvelle arme avec sa carrosserie aérodynamique et son moteur de 595 Ch. La voiture fait son apparition au Grand Prix de Tripoli en mai 1937 et y remporte la victoire. Pour la seconde épreuve, c’est sur l’Avus en Allemagne que la W125 s’aligne, un exemplaire à carrosserie « normale », et une seconde en carrosserie « streamline » afin de tester la vitesse maximale de la voiture sur les deux lignes droites du circuit, chacune longue de 10km.
Avec cette carrosserie profilée, la W125 Streamline dispose d’une vitesse maximale supérieure de 25km/h à la W125 de « base », avec une pointe enregistrée à 338km/h; alors que la mécanique comme le châssis étaient identiques. A la fin de la saison 1937, Rudy Caracciola remporte une nouvelle fois le titre de champion d’Europe au volant de cette voiture.
Avec cette base, Mercedes-Benz peut désormais espérer aller plus vite, et pourquoi pas aller chercher un record de vitesse comme la marque l’avait déjà fait pas le passé avec les W25 spécialement carrossées pour l’occasion. La W125 prête ainsi son châssis, mais si la version de course était équipée d’un V8, la version Rekordwagen reçoit un V12 de 5.576,75cm3, ce dernier étant plus compact et offrant plus de liberté aux aérodynamiciens pour réaliser une carrosserie la plus profilée possible. Pour les aider dans cette tâche, Mercedes s’offre les services d’une soufflerie pour optimiser le coefficiant de pénétration dans l’air.
La Mercedes W125 Rekordwagen est prête pour le début de l’année 1938. AutoUnion et Mercedes-Benz s’étaient donnés rendez-vous le 28 janvier 1938 pour se confronter sur divers records de vitesses, notamment ceux du kilomètre et du mille lancé. Les tentatives de records se déroulent sur la Reich-Autobahn A5 entre Francfort et Darmstadt, une ligne droite en béton autour de laquelle quelques curieux viennent assister aux passages à grande vitesse des bolides allemands.
Si le record de vitesse terrestre est encore bien loin et non atteignable avec les voitures présentées (quelques semaines plus tôt, l’anglais Eyston sur sa Thunderbolt signait un 502,17km/h), Mercedes et Autounion se battent pour le record de la classe B qui concernait les voitures ayant un moteur entre 5 et 8 litres de cylindrée. Début 1938, les records de cette catégorie étaient entre les mains d’Autounion, d’où l’esprit revanchard de Mercedes et de son pilote Caracciola, déjà coutumier de cette épreuve puisque ayant établit le record de cette classe en 1935 à 311,985km/h.
La Mercedes de Caracciola s’élance la première sur la piste bétonnée de l’Autobahn A5, au petit matin de ce 28 Janvier 1938. Et la Mercedes W125 Rekordwagen marche fort car les deux records de la classe B tombent : celui du kilomètre lancé à 432,7km/h et celui du mille lancé à 432,4km/h. La fête pourrait être à son comble mais les conditions n’étaient pas optimales en raison de vents latéraux sur une partie de la piste.
Aussi, AutoUnion doit s’élancer pour aller inscrire une vitesse pour éventuellement reprendre les records. Bon joueur, Caracciola avertit Rosemeyer des risques de perte de contrôle de sa voiture en raison du vent qui se lève, qui ne les prends pas considération. Malheureusement, dans sa tentative de record, le vent fait dévier la voiture de Rosemeyer qui part en dehors de la piste et heurte une borne kilométrique à 11h47. Le pilote est éjecté et meurt quelques temps après, endeuillant l’Allemagne car Rosemeyer était populaire. Par respect, les tentatives de records s’arrêtent là.
Les records ainsi inscrits par la Mercedes W125 Rekordwagen demeurent encore aujourd’hui les records en cette catégorie, et surtout, il est encore la plus grande vitesse enregistrée sur une portion de route ouverte puisque déjà à cette époque, les records s’effectuent soit sur des plages, soit dans des déserts avec des pistes spécialement aménagées à cette fin. Aussi, ce record permet de récupérer des informations sur la tenue de route à haute vitesse, des données cruciales pour démarrer le projet de la Mercedes T80, dont l’objectif était d’aller chercher le record de vitesse terrestre…