En octobre 1950, lors du Salon de l’automobile de Paris, Renault dévoile la gamme Colorale, une gamme de voitures à vocation rurale ou visant le marché des colonies de l’Alliance Française. Au sein de la gamme, une version vise une toute autre cliente, le Taxi.
A la fin des années 1940, la Régie Renault s’interroge sur le développement de sa gamme. Faut-il se concentrer sur la 4CV dont le succès accapare une partie des forces vives de l’entreprise et accompagner son développement, ou diversifier la gamme pour cibler tout ou partie de la clientèle de l’après-guerre. Le Président de Renault d’alors, Pierre Lefaucheux, choisit la seconde option et accepte le lancement d’une berline haut de gamme, la Future Frégate, puis convaincu par les dires de son service commercial, autorise le développement d’une voiture visant la clientèle rurale : la Colorale. Cette dernière doit notamment conquérir une clientèle rurale qui avait pu être conquise dans les années 1930 par les Primaquatre ou Vivaquatre, et dont les propriétaires pouvaient commencer à envisager le renouvellement. La Colorade est ainsi un véhicule utilitaire à la charge utile de 800kg, dont les formes et le volume sont généreux, notamment dans sa version familiale nommée Prairie, capable d’emporter six personnes, jusqu’à sept avec un fauteuil amovible dans le coffre.
La fin des années 1940 est également marquée par la question du renouvellement des taxis parisiens. Dans la capitale française, l’essentiel des compagnies dispose d’un matériel datant des années 1930, la compagnie G7 par exemple roule alors en Renault Vivaquatre. En 1943, il y eu bien un concours appelé « Taxi du Futur » qui abordait la question, le lauréat ne fut titré qu’en 1945 avec la proposition de Charles Escoffier, agent Renault à Paris 18ème, qui avait réalisé une voiture autour d’un moteur de Juvaquatre. Renault s’y intéressa brièvement (carrosserie revue par les ingénieurs de Billancourt) mais ne se lance pas dans l’aventure industrielle, c’est finalement Rosengart qui produit les carrosseries des dix exemplaires assemblés d’avril 1946 à février 1949 pour le dernier. La « Juvaquatre taxi » était-elle trop novatrice pour son temps avec sa cabine avancée, force est de constater qu’elle ne s’imposa pas.
Renault, de son côté, envisagea rapidement de décliner une version taxi de sa Colorale. Avec un habitacle spacieux capable d’accueillir sept passagers, la Régie pense tenir son taxi. Celui-ci est dévoilé en octobre 1950, en même temps que la gamme Colorale, à l’occasion du salon de Paris. Le « Taxi 85 » dérive directement de la Prairie dont l’habitacle est spécialement réorganisé pour l’activité de taxi : la banquette arrière est reculée au maximum dans l’habitacle, permettant de libérer un vaste espace au milieu de la voiture pour y loger des strapontins en cas de besoin. Six passagers peuvent prendre place en vis-à-vis. Pour loger les bagages, l’espace alloué au coffre étant occupé en partie par la banquette, on ôte le fauteuil passager à côté du chauffeur pour en faire un espace de chargement.
La finition de la version Taxi est améliorée, les banquettes et strapontins sont recouverts de velours, les assises rembourrées. Renault équipe cette version d’un toit ouvrant pour offrir aux passagers une vue panoramique, la voiture est présentée dans une teinte bicolore. Renault ne le dit pas mais cette version Taxi de la Prairie vise directement les compagnies de taxis parisiens. Commercialisé en prix de 695.000 Francs, elle est la plus chère des versions de la gamme Colorale (une Prairie s’échangeait contre 599.000 Francs), ce prix est rapidement jugé rédhibitoire par les compagnies de taxis. En outre, le « taxi 85 » rebute en raison de son moteur, le 85 Latéral de 2.383cm3 pour 48Cv apparait un peux juste pour mouvoir l’engin, sa consommation forcément élevée est estimée par la Régie autour de 12 litres aux 100km, elle sera forcément plus élevée dans le cadre d’une utilisation urbaine.
Produite à partir d’avril 1951, le « Taxi 85 » ne peut pas compter sur les grandes compagnies, c’est donc auprès des artisans taxis que la Régie peut espérer écouler quelques exemplaires. Les ventes ne peuvent être qu’anecdotiques, entre avril et décembre 1951, c’est seulement 435 taxis qui ont été produits. Soit le plus faible score de la gamme Colorale. Cette même gamme Colorale qui n’a atteint qu’un tiers des prévisions prend déjà le chemin de l’échec. Et logiquement, le « Taxi 85 » n’est pas renouvelé à l’issu du millésime 1952 lorsque la gamme Colorale est remaniée…
Sources
Renault, les cahiers histoire et passion : Colorale.
Colorale.org : Renault Colorale Taxi 85