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Amilcar : l’histoire de la marque

          Amilcar était un constructeur français fondé en 1921, cette marque s’illustra dans l’univers du cyclecar jusqu’en 1934, année au cours de laquelle la firme ferme ses portes. Reprise par Hotchkiss qui tenta de diversifier le catalogue d’Amilcar, la firme disparait avec la Seconde Guerre Mondiale

Les prémices d’Amilcar 

        Le 29 septembre 1921, les statuts de « La Société Nouvelle pour l’Automobile Amilcar » sont déposés, un nouveau constructeur d’automobiles naît de l’association de quatre hommes, André Morel et Edmond Moyet ayant fait leurs armes dans l’industrie automobile, et Emile Akar et Joseph Lamy qui apportent leurs finances à l’aventure.

          André Morel vient à l’automobile après avoir été un temps manutentionnaire aux Halles de Paris, il fait ses premières armes chez Corre en tant que mécanicien, puis part pour Lyon auprès d’un négociant de voitures d’occasion puis se fait débaucher par Berliet où il devient essayeur, avant d’ouvrir son propre garage à Bar-sur-Aube en 1910 et tenta de fonder sa compagnie d’autobus. Aviateur pendant la Première Guerre Mondiale, on le retrouve dès la fin du conflit chez Le Zèbre en qualité de responsable des ventes pour le Sud-Est de la France, un constructeur qui était réputé pour ses voitures « populaires » mais dont la situation était difficile dans l’immédiat de l’après-guerre.

         Edmond Moyet est employé chez Citroën où il officie aux côtés de Jules Salomon sur le projet de la future 5 CV Citroën, une petite voiture qui doit permettre au jeune constructeur de rivaliser avec Peugeot et Renault. A ses heures perdues, il dessine les plans d’un cyclecar, un projet pour lequel il recherche des partenaires financiers en vue d’une production en série. C’est ainsi qu’il rencontre André Morel, à la recherche d’idées nouvelles, ils continuent ensemble à peaufiner le projet mais les capitaux manquent encore pour envisager une production. Morel, par son poste, peut mettre Moyet en relation avec Emile Akar et Joseph Lamy, deux hommes d’affaires ayant tous deux une participation dans le constructeur Le Zèbre.

            Lamy et Akar sont conquis par le projet de Moyet qui s’inscrit parfaitement dans la catégorie des cyclecars, des voitures qui connaissent alors un important succès commercial en raison de politiques fiscales très avantageuses pour permettre de démocratiser l’automobile mais surtout, relancer une industrie après quatre années de conflit. Pour bénéficier des avantages, le cyclecar doit répondre à un cahier des charges strict : proposer à minima deux places, un moteur limité à 1.100cm3 au plus, un poids à vide maximum 350kg et avoir un minimum de trois roues. Lamy et Akar, convaincus par le cyclecar, décident de se retirer de Le Zèbre pour fonder une nouvelle société,  André Morel démissionne également pour rejoindre l’aventure. Le 29 juillet 1921, la marque Amilcar est déposée au Tribunal de commerce de la Seine, contraction des noms Lamy et Akar.

            Chez Amilcar, Emile Akar prend le poste de Directeur Général, il est le financier de l’affaire, Joseph Lamy supervise de son côté la partie commerciale. Edmond Moyet est ingénieur en chef tandis que Morel est nommé responsable des ventes. Pour boucler le montage de la nouvelle structure, on fait appel à des agents qui représentaient la marque Le Zèbre pour disposer d’un réseau de distribution en échange d’une participation au capital. Amilcar prend des ateliers dans le onzième arrondissement de Paris, au 34 rue  du Chemin Vert, et débute la construction de son cyclecar avec un objectif : exposer au Salon de l’Automobile de Paris qui doit se tenir en octobre.

L’Amilcar CC lance le constructeur… 

              Au Salon de Paris, Amilcar présente trois châssis de sa voiture, la CC, un cyclecar à quatre roues et deux places (les fauteuils sont légèrement décalés pour rentrer dans la carrosserie), une carrosserie torpédo avec pare-brise inclinable. Le moteur « maison » est un quatre cylindres de 903cm3 à soupapes latérales développant 17Ch, il est accolé à une boîte à trois rapports, et permet une vitesse de pointe à 75km/h, une belle performance pour l’époque. La voiture est spartiate, pesant 348kg, elle n’a pas de démarreur (disponible en option), de dynamo ni de différentiel, les essieux sont réalisés en tôle pliée armée de bois, mais dispose d’autres atouts comme son prix de 9.200 Francs en octobre 1921, sa simplicité laisse présager une certaine fiabilité et la CC est une voiture économique avec une consommation d’essence de l’ordre de sept litres aux cent kilomètres.

            Amilcar s’inscrit dans des compétitions pour démontrer les qualités de sa voiture, le 23 novembre, André Morel remporte l’épreuve du kilomètre lancé de Lyon dans la catégorie des voitures de moins de 1.100cm3 avec une moyenne au-delà des 90km/h. Ce premier succès et les qualités des Amilcar contribuent à remplir rapidement le carnet de commandes de la marque, les clients achetant une Amilcar soit pour son côté bon marché soit pour courir en compétition dans les catégories de faible cylindrée. Les succès en compétition s’enchainent, on note une victoire au premier Bol d’Or devant les Salmson et Sénéchal.

La diversification d’Amilcar 

          Parallèlement à la CC, Amilcar élargit sa gamme dès 1922 avec des modèles plus performants destinés à une clientèle davantage tournée vers la compétition. Début 1922, sur la base de la CC, Amilcar présente une variante nommée CV, cette dernière est équipée d’un moteur quatre cylindres dont la cylindrée est portée à 980cm3, et d’une carrosserie en aluminium avec un arrière adoptant la « pointe Bordino ». Avec un poids restant sous les 350kg, l’Amilcar CV approche des 100km/h en vitesse de pointe et surtout, reste dans la catégorie des cyclecars, mais vendue au prix de 11.500 francs, sa commercialisation reste limitée.

                 Le modèle CV est en réalité une transition qui mène vers l’Amilcar CS, dévoilée lors du salon de l’automobile de Paris d’octobre 1922. Il s’agit toujours d’un modèle à vocation sportive dont la base provient de l’Amilcar CC, il apparait un nouveau pont de type Banjo avec deux demi arbres de roues. Le moteur voit sa cylindrée portée à 1.003cm3 avec une puissance de 25Ch. Pour ce modèle, Amilcar s’affranchit de la limite des 350kg, ce qui fait basculer la CS dans la catégorie des voiturettes, avec une fiscalité plus lourde que celle des cyclecars.

             A côté du CS, Amilcar dévoile également lors du Salon de Paris la C4, une voiture à quatre places qui permet d’élargir la gamme en se tournant vers une clientèle familiale en quête d’un véhicule économique. L’Amilcar C4 reprend la base des CC/CS mais avec un châssis allongé de 14 centimètres et rigidifié pour accueillir un troisième passager, voire un quatrième selon la carrosserie choisie par le client, qui peut alors opter pour un Torpédo, Torpédo Sport, une conduite intérieure et même une camionnette de livraison. La C4 échappe à la catégorie des cyclecars en raison de son poids, Amilcar l’équipe du quatre cylindres de 1.003cm3 du type CS mais dont la puissance est ramenée à 22Ch, et monte de série un démarreur.

En 1923, Amilcar compte trois modèles dans sa gamme : les CC, CS et C4. Tous étaient des succès commerciaux, mais celui rencontré par la CS pousse Amilcar à s’orienter davantage vers les voitures offrant des performances sportives. C’est pourquoi au Salon de Paris 1923, Amilcar y présente le modèle CGS (pour Châssis Grand Sport), une petite voiture de sport au moteur quatre cylindres de 1.074cm3 pour une puissance de 33Ch. La CGS est ainsi capable d’offrir une vitesse de pointe à 110km/h. Mais sortant de la définition du cyclecar, Amilcar apporte un véritable soin à la CGS pour convaincre une clientèle qui devient naturellement plus difficile. Offerte au prix de 17.900 Francs, la CGS est plus chère que ses rivales, mais cela n’entrava pas son succès commercial, aidé par les performances du modèle en compétition. En 1924, le CGS est décliné en CGS3 avec un châssis allongé pour permettre de recevoir une carrosserie trois places. 

             En 1923, Amilcar présente également la Type E, une voiture équipée d’un quatre cylindres en ligne de 1.476cm3 et offrant 42Ch, elle vise le marché des 10 CV et permet à Amilcar de monter en gamme. Toutefois, sur ce segment, l’Amilcar fait face à des valeurs sûres telles que les Peugeot Type 173, Mathis Type SB, Citroën B2 ou encore Renault KZ qui ont l’avantage d’une production en grande série. Pour la Type E, la concurrence est trop grande et pour la première fois, une Amilcar ne connait pas le succès, seules cinq cent unités sont commercialisées jusqu’en 1925. A partir de 1924, des Amilcar sont produites sous licence en Allemagne sous la marque Pluto ainsi qu’en Autriche sous le blason Grofri, puis en 1925 en Italie chez Amilcar Italiana.

Entre succès sportifs et méforme des ventes 

              Les années 1925-1926 sont charnières chez Amilcar, les avantages fiscaux accordés aux cyclecars cessent à partir de 1925, condamnant de fait cette catégorie. Amilcar fait le choix de stopper les modèles CC et CS après respectivement 5.000 et 1.500 unités vendues. Désormais, Amilcar doit se tourner vers de nouveaux marchés et se lance dans la catégorie des 7CV, des voitures de tourisme de gamme moyenne avec la Type G, présentée en 1925, suivie des types L en 1927 puis de la Type M en 1928. Des voitures familiales qui affrontent là encore les productions de grands acteurs de l’automobile que sont Renault, Peugeot… Face aux grands, les Amilcar sont à la peine : 2.500 Type G, 1.500 Type L et 6.620 Type M. Aussi, en 1925, Amilcar réitère dans la catégorie des 10CV avec la Type J dont les ventes sont plus faibles que son ainée. En raison de la mévente des 7CV et 10CV Amilcar, la situation financière de l’entreprise se dégrade lentement mais surement, c’est pourtant à cette époque qu’Amilcar déménage ses ateliers de Paris vers Saint-Denis, dans une usine capable de produire 35 châssis par jour.

                Du côté des voitures de sport, Amilcar est plus à la fête, en 1925 apparaît l’Amilcar CO, une véritable voiture de compétition produite à trois exemplaires et équipées d’un six cylindres en ligne de 1.097cm3 avec compresseur pour une puissance de 90Ch. Elle fut suivie de l’Amilcar MCO en 1927, elle aussi produite à trois unités, avec un châssis monoplace et un moteur porté à 107Ch permettant de tutoyer les 200km/h. Les CO et MCO s’illustrent en compétition avec de très nombreuses victoires, podiums et records internationaux.

              Pour les ventes, Amilcar lance la CGSS (pour Châssis Grand Sport Surbaissé) en 1926, elle reprend le moteur 1.073cm3 des CGS/CGS3 avec une puissance poussée à 38Ch permettant de rouler jusqu’à 115km/h. Produite jusqu’en 1929, il s’en écoule 984 unités. Cette même année, Amilcar présente la C6, une six cylindres de tourisme développée avec l’expérience issue de la Type CO de compétition. Avec son six cylindres de 1.094cm3 à double arbre à came développant 62Ch, la C6 peut atteindre la vitesse de 165km/h et ainsi tenir la dragée haute à la Bugatti 35. Voiture exclusive, il s’en écoule entre 50 et 60 unités jusqu’en 1930. 

Une tentative de relance par le haut de gamme 

            Face à la situation financière délicate d’Amilcar, Emile Akar est limogé courant 1927, un départ rapidement suivi de celui de Joseph Lamy. Dans cette période difficile, on place un administrateur à la tête d’Amilcar, Marcel Sée, qui a pour mission de réorganiser l’entreprise. Il demande à Edmond Moyet de développer une voiture haut de gamme qui débouche en 1928 sur l’Amilcar C8, une voiture de luxe avec un huit cylindres, disponible en version 11CV avec deux litres de cylindrée et en 13CV avec un 2,3 litres. Une telle voiture permet de cibler une clientèle fortunée sur un segment alors peu concurrentiel, tout en n’étant pas handicapé par l’absence d’une production en grande série au sein de l’usine. Malgré le contexte lié à la crise de 1929, il s’écoule huit cent unités jusqu’en 1932.

 La crise de 1929 met à mal la réorientation d’Amilcar vers le haut de gamme, mais l’entreprise tient bon. Il est décidé de mettre à l’étude une voiture populaire qui apparait en mars 1933, l’Amilcar 5CV est équipée d’un quatre cylindres en ligne de 845cm3 capable d’emmener la voiture jusqu’à 90km/h. Hélas, ce modèle arrive sans doute trop tard sur le marché, se trouve en concurrence avec les Rosengart voire la Peugeot 201. La 5CV devient Amilcar C3 à partir d’octobre 1933, il s’agit de l’ancienne 5CV dont le moteur est porté à 877cm3, laquelle C3 remplacée par la C5 dès juin 1934 avec un moteur désormais porté à 929cm3. Amilcar réussit à vendre 2.456 exemplaires des 5CV, C3 et C5 jusqu’en août 1934.

L’ère de la SOFIA et d’Hotchkiss : la fin d’Amilcar

                              Face aux difficultés financières, Amilcar abandonne ses locaux de Saint-Denis et déménage dans une usine plus petite, située à Boulogne-Billancourt. En cette année 1934, Amilcar dévoile la Pégase (Type N), une voiture à la ligne élégante équipée d’un quatre cylindres de deux litres dont la fiabilité s’avère rapidement désastreuse, poussant Amilcar à abandonner son moteur maison contre un Delahaye de 2,15 litres. Aussi, le prix élevé de la Pégase en fait une voiture à la diffusion confidentielle, elle reste au catalogue jusqu’en 1937. Enfin, pour compléter l’année 1934, Amilcar est racheté par la SOFIA, une société financière qui doit permettre d’apporter des capitaux au constructeur.

              En septembre 1937, Hotchkiss achète la SOFIA et entend commercialiser sous la marque Amilcar une automobile à traction avant et carrosserie aluminium mise au point par l’ingénieur Jean-Albert Grégoire: l’Amilcar Compound. Cette voiture est dévoilée au salon de Paris 1937 et mise en production au sein des usines Hotchkiss, elle s’équipe d’un quatre cylindres en ligne de 1.185cm3 provenant du constructeur britannique Hillman et développant 33Ch. Avec ses dimensions réduites mais des performances honorables, la Compound peut aller concurrencer les Renault Juvaquatre, Peugeot 202 et autres Simca 8. L’arrivée de la Seconde Guerre Mondiale et l’interdiction faite aux constructeurs de maintenir une production civile courant 1939, la Compound est stoppée après neuf cent unités.

               Amilcar était mal en point à la fin des années 1930, Hotchkiss se servait de cette marque pour commercialiser une voiture atypique tout en préservant son image en cas de méforme de la Compound. Après guerre, Amilcar n’est pas visée par le plan Pons, Hotchkiss n’avait de toute façon aucune volonté de relancer cette marque, ayant déjà à faire avec  Hotchkiss. Dès lors, Amilcar disparaît…