Robur : l’histoire de la marque

          Fondée le 22 janvier 1957, la VEB Robur-Werke n’est pas à proprement parler une nouvelle marque, il s’agit du nouveau nom du constructeur Phanömen, entreprise Est-Allemande nationalisée depuis 1946 et intégrée au consortium IFA. Le changement de dénomination fut imposé par une décision de justice rendue à la demande des héritiers du fondateur de Phänomen.

La Phanomobil, œuvre de Gustav Hiller 

            Avant de s’appeler Robur, l’entreprise bénéficiait d’une longue histoire, débutée en 1888 par Gustav Hiller. Ce dernier réalise des machines textiles pour la production de pelotes de laines, il se diversifie dans la production de vélos à partir de 1889 et obtient l’année suivante les droits d’importation exclusifs pour l’Allemagne des vélos Rover puis la licence pour les produire à partir de 1894. A cette époque, Hiller s’intéressait aux travaux de Daimler, Maybach et Benz sur les moteurs, ce n’est qu’au début des années 1900 qu’il développe des deux-roues motorisés à partir de ses vélos, puis il réalise un tricycle motorisé, la Phanomobil, produit à partir de 1907. Enfin, Phanomen arrive à l’automobile à partir de 1910, l’entreprise survit au décès de son fondateur en 1913, elle se lance avec succès dans les véhicules utilitaires à partir de 1928, puis les camions Granit firent la réputation de la marque dans les années 1930. Allemagne oblige, Phanomen participe à l’effort de guerre en produisant un camion à destination de l’armée allemande, le Phanomen 1500.

Phanomen Granit 1500

              Situé à l’extrême est de l’Allemagne, dans la ville de Zitau, les installations de Phanomen sont investies par les soviétiques qui démantèlent une grande partie de l’outillage pour l’envoyer dans leur pays au titre des dommages de guerre. Le gouvernement du Land de la Saxe parvient à sauver les installations industrielles de Phanomen et, en juin 1946, proclame la nationalisation de l’entreprise, une sanction au titre de sa participation à l’effort de guerre. Phanomen répare les véhicules de l’Armée rouge et produit des articles de première nécessité, l’entreprise est intégrée à IFA en 1948 et produit ses premiers moteurs stationnaires cette même année, puis son premier camion en 1950, le Granit 27 issu du Phanomen 1500, permettant à l’entreprise de renouer avec son activité d’origine.

               En 1956, les anciens propriétaires de Phanomen gagnent en justice, l’entreprise ne peut utiliser ni la marque Phanomen, ni le nom Granit pour ses véhicules. C’est ainsi que l’entreprise est enregistrée le 22 janvier 1957 sous la dénomination « VEB Robur Werke Zittau », le nom Robur utilisé comme marque commerciale signifie en latin Pouvoir ou Force, il est aussi utilisé pour appeler un chêne très présent en Allemagne, le Quercus robur. Le camion phare de la marque est renommé en Garant. Ce véhicule, éprouvé et réputé, permet à Robur de s’installer comme un acteur solide du poids-lourd en Allemagne de l’Est.

                En 1961, dans le cadre de la Foire de Printemps de Leipzig, Robur présente un nouveau camion, le LO 2500, lequel dispose d’un moteur essence refroidi par air de 70Ch, et affichant une charge utile de 2,5 tonnes (d’ailleurs, LO signifie Luftgekühltem Ottomotor, soit moteur à essence refroidi par air). Le LO 2500 succède au Garant, la cabine propose une carrosserie plus en phase avec les standards de l’époque, ce qui doit lui permettre d’aller chercher des marchés à l’export. Néanmoins, le Robur LO 2500 n’est pas exempt de critiques à son lancement, les professionnels du secteur auraient préféré un véhicule capable de proposer trois tonnes de charge utile, les performances du moteur sont en retrait par rapport aux camions occidentaux et la consommation reste élevée, le freinage perfectible, et la cabine est jugée trop volumineuse pour le gabarit du camion.

                  En fait, Robur a fait fait des compromis sur son LO 2500, notamment pour permettre le développement de variantes afin d’élargir facilement la gamme. Le LO 2500 fut ainsi rapidement décliné en LO 1800 A, une version à quatre roues motrices à la charge utile de 1,8 tonne, puis en version Diesel à partir de 1963 (on parle alors de LD 2500). Pour être complet, sur les marchés étrangers, le LO 2500 devient Robur Safari. Quoiqu’il en soit, ce camion trouve sa clientèle, Robur signe d’excellents résultats au début des années 1960, avec un record en 1966 avec 7.000 camions produits,  dont 4.500 pour l’export.

             Malgré de très bons résultats, la politique en Allemagne de l’Est délaisse l’investissement dans le secteur automobile, les investissements tant dans l’outil industriel que dans l’amélioration des véhicules sont réduits à leur plus simple expression. Tout au mieux, face à la concurrence du Mercedes-Benz LP à partir de 1965 sur les marchés internationaux,  Robur opère un restylage de la face avant du LO 2500 par lequel la calandre ovale cède sa place à de simples lames (on parle dès lors de Robur LO 2501 et LO 1801 A). La production est quant à elle stabilisée entre 5.000 et 6.000 véhicules par an.

                A partir de 1973, le LO 2501 cède sa place au LO 3000, une version améliorée dont la charge utile est portée à trois tonnes. La version à quatre roues motrices est désormais dénommée LO 2002 A. Les deux véhicules reçoivent un moteur essence refroidi par air 3.345cm3 pour une puissance de 75Ch (un moteur Diesel fut disponible de 1982 à 1984), et un système de freinage amélioré, en bref, Robur semblait répondre aux réservées apportée au LO 2500 avec dix ans de retard.  Dans les années 1970, Robur lança l’étude d’un remplaçant du LO 3000, le Robur O 611 qui devait être lancé dans la décennie suivante. Malgré des études poussées, les difficultés économiques de la République Démocratique Allemande pousse à arrêter se projet et prolonger la vie du LO 3000.

               Les LD 3001, LD 3002 puis LD 3003 se succèdent dans les années 1980, mais le manque d’investissement dans l’outil industriel ne permet pas de maintenir la qualité d’assemblage, qui se détériore au fil des ans. A la fin des années 1980, Robur est au bord du gouffre, la chute du mur de Berlin permet d’espérer des jours meilleurs en cherchant des partenariats avec l’Ouest. En 1990, le LD 3004 (et LD 2004 pour la version quatre roues motrices) reçoit un moteur Diesel Deutz refroidi par air, la cabine du véhicule est profondément remaniée avec l’adoption d’un large calandre en plastique. Mais le mal était déjà fait, et face aux productions de l’Ouest, Robur n’avait aucune chance. Fin août 1991, le sort de Robur est scellé, la production du LD 3004 s’arrêtera en novembre, et l’entreprise cherche un éventuel repreneur. Aucun candidat sérieux ne se présenta, et les pistes lituaniennes et russes ne s’avèrent pas sérieuses, 1991 voit donc la marque Robur s’éteindre.

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