Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Renault fait repartir ses chaînes de montage avec la Juvaquatre, un modèle d’avant-guerre, avant que la Régie ne sorte sa nouvelle voiture populaire, la Renault 4CV. Si Renault devient l’un des acteurs de la démocratisation de l’automobile en France, le créneau des voitures de luxe n’est pas oublié avec l’arrivée de la Frégate en 1951.
L’Europe est sur la voie de la reconstruction au début des années 1950, les grands constructeurs automobiles reconstruisent petit à petit leur gamme en favorisant les utilitaires et les voitures populaires. Du côté de Renault, l’entreprise a été nationalisée depuis la libération et répond pleinement à la demande française en produisant des utilitaires et une voiture populaire, la 4CV, qui signe un très bon début de commercialisation. Mais déjà, Pierre Lefaucheux, président de Renault à partir de 1947, demande à ce que la gamme soit élargie et demande la conception d’une berline à moteur deux litres capable d’aller rivaliser avec la Citroën Traction.
C’est aussi à cette époque que débutent les études pour une voiture coloniale, qui deviendra Colorade. Mais revenons sur le projet de la berline, celle-ci doit être présentée le plus tardivement lors du salon de Paris 1951. Les études débutent donc rapidement sous la responsabilité de Fernand Picard (ingénieur en chef), et l’on commence à se diriger vers une berline à moteur arrière. Cependant, en Novembre 1949, cette solution fut abandonnée à cause des multiples difficultés de mise au point. Mais l’équipe ne repart pas d’une page blanche, les grandes lignes du projet sont conservées tout en mettant le moteur à l’avant, mais en gardant l’idée d’une propulsion.
Mais désormais, le délai de présentation initial devient plus difficile à tenir, mais Pierre Lefaucheux n’en démord pas : ce sera le salon de Paris 1951 quoi qu’il arrive. Et Lefaucheux aura eu raison, car en Octobre 1950, le ministre de la Défense l’informe que compte tenu des difficultés rencontrées en Indochine, l’Etat français envisage d’interdire aux constructeurs le développement de nouveaux modèles pour demander aux industriels de répondre aux besoins de l’armée française. Pour Renault, le temps presse, la mise au point de la Frégate va être rapide, trop rapide.
Le premier prototype de la Frégate fut exposé le 24 Novembre 1950 au sein du Palais Chaillot à Paris, une présentation en grandes pompes pour la nouvelle berline de la Régie, qui porte un nom emprunté au monde maritime comme les Galion et Goelette… La presse automobile salue cette voiture pour son élégance, la Régie quant à elle accentue l’aérodynamique de la ligne ainsi que l’habitacle généreux de la voiture. Mais en interne, l’on sait que c’est une voiture non terminée qui est présentée…
Ainsi, une fois la présentation terminée, l’ensemble des équipes des bureaux d’études se remettent au travail pour achever la voiture et préparer son industrialisation. Et pour parfaire la mise au point, Renault trie sur le volet des clients qui serviront de cobayes, lesquels achèteront les premières Frégate mais auront en contrepartie une assistance totale du service Renault pour fiabiliser leur voiture.
La version définitive arrive quant à elle au salon de l’auto de Paris 1951, le délai imparti a finalement été respecté et les premières livraisons débutent en novembre 1951. Mais l’usine de Flins prévue pour recevoir la chaine de montage de la Frégate n’est pas encore prête, et c’est à Boulogne Billancourt que les premiers exemplaires voient le jour.
Mais qu’offrait alors la Renault Frégate ? Côté mécanique, elle se dote d’un quatre cylindres en ligne de 1.996cm3 qui développait 58Cv, c’est un peu mieux que la Citroën Traction (56Cv) mais loin de la Ford Vedette et ses 66Cv. Toutefois, la Frégate se rattrape sur l’aérodynamisme, la voiture peut rouler jusqu’à 130km/h et ne consomme que 11 litres aux 100km, des chiffres dans la moyenne de l’époque. Côté habitacle, celui-ci se révèle spacieux et permet de transporter six personnes, quant à la tenue de route et le freinage, ils sont dans la norme de l’époque.
Mais, la Frégate n’est pas au point et la boite de vitesses tout comme la direction posent soucis, et les premiers clients essuient les plâtres. Si à cette époque il était de coutume que les premiers clients fussent victimes de défauts de jeunesse, la Frégate enchaîne les pannes plus que toute autre nouvelle voiture. Et l’Auto-Journal en fait ses choux gras, entachant la réputation du modèle. Mais à partir de 1953, la Régie réussi à fiabiliser le modèle, faisant taire les critiques.
Si la Renault Frégate a des problèmes de fiabilité, les ventes n’en sont que peu impactées : 10.342 ventes en 1952, 27.878 en 1953, 27.221 en 1954. Certes, sans ces soucis de fiabilité, la Renault Frégate aurait pu connaitre une commercialisation plus heureuse lors de ses premières années qui demeurent inférieures aux prévisions. Toutefois, à force de communication, Renault réussi à faire s’envoler les ventes au delà des 50.000 unités en 1955. Mais cette même année fut tragique, Pierre Lefaucheux se tue au volant d’une Frégate, cet événement n’entache toutefois pas la Frégate.
En 1956, avec la présentation de la Dauphine, l’ensemble des forces en matière de communication sont mises sur la nouvelle venue, la Frégate quant à elle est laissée à sont sort. Et malheureusement pour elle, de nouvelles concurrentes sont apparues sur le marché : l’illustre Citroën DS, la bourgeoise Peugeot 403 ou les Simca Vedette aux lignes américaines. Des rivales aux dents longues qui vont prendre des parts de marché, laissant à la Renault Frégate quelques miettes : les ventes retombent à 20.482 exemplaires en 1958.
Pour ne pas aider, le nouveau président de Renault, Pierre Dreyfus, estime la Frégate comme un modèle dépassé et ne souhaite plus miser sur ce cheval. Toutefois, l’on décide en 1957 d’octroyer la transmission Transfluide à la Frégate, mais cette innovation ne provoquera qu’un très léger sursaut pour le modèle, qui se meurt doucement. En définitive, la Frégate s’efface de la gamme Renault en 1960 après 180.463 exemplaires, et sans laisser de véritable, descendance, si ce n’est une américaine rebadgée : la Renault Rambler.