Le 17 mai 1958 est une date noire pour Paris et ses Sapeurs Pompiers, la caserne de Montmartre est engagée pour une importante fuite d’essence dans un garage automobile. Dans cet environnement, une étincelle provoqua une importante explosion détruisant le garage, ravageant le quartier et ôtant la vie de 17 personnes…
Autant commencer par là, je ne suis pas un fanatique de histoires qui se terminent mal. La photo ci-dessus, légendée « Paris, 1958 » lorsque je l’ai découverte pour la première fois, m’a tout de suite interpellée, on y découvre ce qu’il semble être un garage éventré, un enchevêtrement de poutres métalliques et de carcasses de voitures; en arrière plan, un mur portant d’importants stigmates. Un Chaos. La légende, avare en explication, me pousse à connaitre les dessous de cette photo.
« Paris, 1958 ». L’année semble plausible au vu des voitures sur la photo : Citroën Traction, Peugeot 203, Simca Aronde coupé, Renault Dauphine. Cette dernière nous prouve que la photo est d’après 1956. 1958, une année troublée en France, tout d’abord sur le plan politique avec les évènements en Algérie qui ont précipité la fin de la quatrième République et le retour du général de Gaulle sur le devant de la scène politique menant à l’instauration de la cinquième République. Pourrait-il y avoir un lien avec ces évènements survenus en mai ? La réponse est négative, mais c’est bien en mai 1958 que cette photo fut prise. Le samedi 17 mai exactement, à la suite d’un effroyable accident.
Ce jour là, dans le XVIIIème arrondissement de Paris, un camion-citerne livre en essence le garage situé au 14 de la rue d’Oslo, un établissement de 600m² au sol et qui s’étalait sur quatre étages. Le remplissage des cuves est une opération de routine tant pour le gérant du garage que pour le conducteur du camion-citerne. Pourtant, en cette fin de matinée du 17 mai 1958, vers la fin de l’opération de transvasement, une importante odeur de carburant imprègne le garage. Constatation faite, il s’avère qu’environ 1.000 litres d’essence se sont répandus hors des cuves situées au sous-sol.
A 11h45, les pompiers de la caserne de Montmartre, située à quelques centaines de mètres du garage, sont alertés par le propriétaire du garage, trois véhicules sont dépêchés sur place : un « premier-secours », un fourgon-pompe et une grande échelle. Le garage est aéré, le camion-citerne est reculé d’une dizaine de mètres. En quelques minutes, une foule importante se forme autour du garage, composée majoritairement d’enfants attirés par les camions de pompiers à une heure de sortie d’école. Si les pompiers recommandent aux curieux de s’éloigner, la curiosité est plus forte pour beaucoup.
Vers 11h55, cinq pompiers pénètrent dans le garage avec le propriétaire pour prendre connaissance des lieux et des tâches à accomplir. A peine les premiers pas effectués dans le garage, une personne s’inquiète de l’électricité et annonce couper le courant. A cet instant, les vapeurs d’essence s’embrassent, une importante explosion fait s’écrouler le garage. Les étages s’effondrent sur eux-mêmes, la façade cotée rue s’effondre sur l’équipage du premier-secours et les badauds encore présents. Sur plusieurs dizaines de mètres autour du garage, les rues sont jonchés de débris de verre et une épaisse poussière flotte dans l’air.
Une nouvelle opération de secours se met rapidement en place, des renforts de sapeurs-pompiers parviennent des casernes voisines, la police boucle le quartier et les ambulances des hôpitaux Bretonneau et Bichat sont appelées. Des ruines du garage, on tente d’extraire des survivants, cinq pompiers plus ou moins grièvement blessés sont ainsi sortis des décombres, mais aussi les corps de trois autres pompiers : le caporal-chef Soulignac, le caporal Lecuyot et le sapeur Husson. On dénombre, hélas, d’autres victimes : des adultes dont la femme du propriétaire du garage, mais aussi des enfants. Les opérations de secours prennent fin le 18 mai dans l’après-midi, on dénombre alors dix-sept victimes dont sept enfants et trois pompiers; et vingt-sept blessés.
Les dégâts matériels sont importants mais demeurent que peu de choses par rapport aux pertes humaines, les opérations de déblaiement se poursuivent jusqu’au 16 juin suivant. Plus tard, l’enquête mettra en avant que le garage avait fait l’objet de travaux pendant lesquels les ouvriers avaient involontairement percé une canalisation au sous-sol. Pensant cette dernière inutilisée, aucune réparation n’est apportée, l’incident n’est même pas rapporté. Hélas, cette canalisation était directement reliée aux cuves d’essence…