Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’armée française comprend le bien fondé des petits véhicules de reconnaissance à quatre roues motrices avec le succès rencontrée par la Jeep. Si les surplus du conflit permettent à la France de se doter en Jeep américaines, les dirigeants préfèrent acheter français et missionnent le constructeur Delahaye à développer la Jeep made in France. Ce sera la Delahaye VLR, une voiture avec des équipements modernes, mais qui se révélera être un échec.
Après le conflit mondial, l’armée française est dans un piteux état et reçoit l’aide des américains pour se rétablir avec du matériel de surplus. L’armée française reçoit un nombre important de Jeep, dont certaines sont améliorées par l’ERGM (entrepôt de réserve générale du matériel Automobile), puis d’autres reconstruites dès 1946 à partir d’épaves récupérées ici et là. Mais les considérations nationales vont rapidement prendre le dessus et l’Etat souhaite doter son armée de véhicules construits sur le territoire français, et malgré l’état de l’outil de production automobile cette année, un ambitieux programme de véhicules militaires est lancé.
Ce programme comprend, entre autres, la conception d’un petit 4×4 de 1,2 tonne afin d’épauler et de remplacer les Jeep américaines, qui est confié au constructeur Delahaye. Il n’y a pas de mise en concurrence à cette époque, sans doute compte-tenu des circonstances économiques, puisque le pays entamait sa reconstruction. Mettre les constructeurs en concurrence aurait sans doute été une perte de ressources que la France ne pouvait pas se permettre, c’est pourquoi chaque constructeur reçoit son « pré carré » dans ce programme militaire.
Delahaye débute donc le développement d’une nouvelle Jeep, le premier prototype fut prêt en 1948 sous le nom « Delta », il est équipé à l’origine d’un moteur Renault, avant de prendre un quatre cylindres culbuté en alliage d’aluminium. Avec celui-ci, Delahaye souhaitait viser à la fois les marchés militaires mais aussi le marché agricole, puisque à cette époque, l’on pensait, sans doute sur le modèle du Land Rover, que les petits 4×4 pourrait à terme remplacer les tracteurs agricoles. Le prototype Delta est inspecté par l’armée française puis testé entre 1949 et 1950.
La Jeep par Delahaye dispose de fonctions sophistiquées pour un véhicule militaire, avec entre autre une boite à quatre rapports synchronisés, un différentiel verrouillable, une suspension à barre de torsion indépendantes… le tout conférant à la voiture d’excellentes capacités de franchissement. Ces essais permettent aussi de modifier le prototype pour le faire évoluer vers sa forme définitive. Au final, la voiture convainc l’Etat-major et une commande est passée, permettant à la voiture de la passer du stade de prototype à celui de voiture de série. Et c’est à ce moment là que la voiture est baptisée par l’armée, « VLR » pour Véhicule Léger de Reconnaissance.
Dans sa forme définitive, la Delahaye VLR est dotée d’un quatre cylindres en ligne de 1.995cm3 qui développe 63Cv, alimenté par un filtre à air à bain d’huile. La boite de vitesse dispose de quatre rapports, et d’un réducteur qui permet huit combinaisons de vitesses. Côté performances, le VLR est capable d’un 110km/h, peut franchir des rampes entre 60 et 70%, et peut passer des gués de 60 centimètres. Coté électricité, la version militaire est en 24 Volts, 12 vols pour la version civile. Le VLR peut transporter 400kg de charge utile ou quatre personnes, et pèse à vide 1.460kg.
L’armée française reçoit les premiers exemplaires en 1951, et si l’on vante encore la technologie de pointe de la Delahaye VLR, la voiture va rapidement se confronter à la réalité des casernes militaires. En effet, la voiture avait été testée par des pilotes expérimentés, or, dans les casernes , la VLR fut confiée à de simples soldats, parfois peu au fait sur les rudiments techniques du véhicule. Et bien souvent le VLR était sujet à des accidents causés par le blocage de différentiel. Mais ce n’est pas les soldats qu’il faut blâmer, mais plutôt le manque de formation à la conduite du véhicule, et d’un manuel d’instruction bien pauvre…
Mais aussi, la Delahaye VLR demande un entretien minutieux, parfois réalisé à la va vite dans les ateliers des casernes, ce qui cause là encore d’autres incidents qui entachent la fiabilité du véhicule.
Delahaye prend en compte les problèmes rencontrés par le VLR et y apporte une réponse pour le millésime 1953, avec une refonte du système de liaison et des commandes du différentiel , sans oublier d’améliorer le confort avec de nouveaux sièges. Mais la réponse n’est pas suffisante, Delahaye sait qu’il faudrait reconstruire totalement la VLR pour mettre un terme aux déboires rencontrés par le modèle, c’est pourquoi l’étude d’un nouveau véhicule est lancé, le « COB ». Dans le même temps, l’armée va modifier l’ensemble des VLR « 1951 » afin de les équiper d’un différentiel plus fiable. Mais le mal est fait, l’armée perd confiance dans le modèle et son remplacement est envisagé courant 1954, et les commandes du VLR cessent.
Avant qu’un appel d’offre soit lancé, Delahaye fait tester à l’armée le COB, mais celui-ci ne fut pas retenu. L’armée ne souhaite plus de véhicule sophistiqué mais veux désormais un véhicule simple, et c’est finalement la Jeep américaine qui remplacera la Delahaye VLR, produite en France sous licence par Hotchkiss. Delahaye qui devait être sauvé avec la VLR va finalement couler, et c’est son ennemi de toujours, Hotchkiss, qui va racheter la marque en 1955 et l’intégrer pour produire les Jeep.
L’usine Delahaye a ainsi produit 9.623 VLR, dont la grande majorité était destinées à l’armée. Une variante civile a été produite au compte-goutte, elle se distingue par son électricité puisqu’elle est en 12Volts, d’où son nom de VLRC-12. Mais trop couteuse, cette version civile ne s’est jamais imposée d’autant plus que les surplus de Jeep US empêchaient la création d’un marché du 4×4 en France, aucun n’était compétitif face à la Jeep. Ainsi se termine l’histoire de la Delahaye VLR, qui au final, était une « fausse bonne idée ».