Dans les années 1970, Lancia venait tout juste d’être racheté par Fiat, le constructeur de Turin vient au chevet de son concurrent turinois et y injecte massivement de l’argent pour relancer Lancia. La Beta apparaît ainsi en 1972, elle était la première pierre du renouveau de Lancia et pouvait intriguer avec sa carrosserie bicorps. Autour de ce modèle va naître toute une gamme de carrosseries, jusqu’à la Trevi présentée en 1980 qui se voulait être la berline tri-corps de la Beta. Embarquons à bord de cette voiture méconnue…
Quand j’ai vu cette voiture de loin pour la première fois, je me suis dit « tiens, voilà une Mercedes W123»… mais plus je m’en rapprochais, moins les lignes coïncidaient avec ce modèle. Il s’agit en fait d’une Lancia Beta Trevi, une voiture que je croisais pour la toute première fois. Bon, la ligne de la voiture ne brille pas par son originalité, on pourrait même débattre de sa beauté. Mais les affaires de goûts, chacun voit midi à sa porte ! Et sans vouloir me défausser, si je n’ai pas reconnu cette voiture de loin, c’est aussi parce qu’elle s’inspire beaucoup de ses concurrentes. En tournant autours avec plusieurs amis et passionnés d’anciennes, les mêmes propos reviennent : une face avant inspirée de la Mercedes W123 pour les clignotants et de la Peugeot 305 pour les ailes, d’une Volvo pour les phares et l’inclinaison de la calandre… L’arrière ne fait pas mieux, on hésite entre la Mercedes W123 (toujours !) pour les feux, de ma Mercedes W114 pour l‘aile, la 305 pour la malle, je lui trouve même un air de BMW E21 avec sa grande lunette arrière.
En somme, la Lancia Beta Trevi semble être un assemblage des meilleurs morceaux de ce qui se faisait chez la concurrence à cette époque… Certains veulent-ils encore soutenir que les voitures anciennes sont plus intéressantes que les voitures récentes qui se ressemblent toutes ? Je leur montrerais la Trevi, car ce qui la rend intéressante, c’est d’avantage sa rareté et, on le verra plus tard, son intérieur totalement délirant ! Pour la ligne extérieure, la Trevi est finalement d’une certaine banalité pour son époque, pour ne pas dire sans originalité.
Mais cessons d’être méchant avec la Beta Trevi, puisque secrètement, j’adore ce genre de voitures inconnues, ces « vilains petits canards » . Aussi, connaissiez-vous le pourquoi du nom « Trevi » ? Tout simplement pour TRE volumI, car elle est la version trois volumes de la berline Beta; rien à voir donc d’une référence à la célèbre fontaine de Rome. Mais pour autant, elle n’est pas qu’un simple découpage de la Beta fait à la va-vite pour répondre à la mode des voitures tri-corps en ce début des années 1980, la voiture est assez bien travaillée notamment sur l’extrémité arrière du pavillon qui offre un jolie décroché pour améliorer l’aérodynamique de la carrosserie et notamment éviter les remous à l’arrière. Une fois que vous l’aurez remarqué, vous n’aurez que d’œil pour cet élément, qui est certes « choquant » mais certainement efficace.
Aussi, pour une voiture présentée en 1980, Lancia restait fidèle à certains équipements anciens, comme les pare-chocs en inox quand tout le monde passait au plastique noir (et tant mieux pour nous, amateurs d’anciennes). Aussi, la custode interpelle, coupée en son milieu par une gouttière, un côté avec un logo « Beta Trevi », l’autre avec un morceau de métal et des persiennes. Un élément kitch, et peut-être en trop ? En tout cas, on sent la patte des designers qui auraient souhaité y mettre une vitre de custode mais qui ne l’ont pas pu, sans doute pour préserver la rigidité de la caisse ?
Bref, la Lancia Beta Trevi marque le début de la descente de Lancia dans l’anonymat, un design fade que la presse s’est fait un plaisir de critiquer à sa sortie. Et du côté de la clientèle, la recette n’a pas fonctionnée non plus car entre 1980 et 1985, seulement 36.784 Lancia Beta Trevi ont été vendues… un véritable échec !
Si l’extérieur a pu faire couler un peu d’encre, ce n’est rien comparé à l’intérieur ! Etes-vous prêt à le découvrir ? Véritable délire de designer, l’intérieur choque et se trouve en total décalage avec la ligne extérieure de la Trevi. La pièce qui attire toutes les attentions, c’est le tableau de bord et ses nombreux trous pour y intégrer les nombreux témoins, commandes et compteurs. Un tableau de bord surnommé « gruyère » et qui ne ressemble à rien d’autre de connu.
L’auteur de cette œuvre, c’est un certain Mario Bellini, célèbre designer industriel italien qui travaillait pour le compte d’Olivetti chez qui il a dessiné des machines à calculer qui sont entrées dans le cercles des produits collectionnés pour leur design. Mondialement connu, Bellini avait aussi dessiné du matériel audio pour Yamaha, des meubles pour Cassina ou encore réalisé une expérience automobile particulière, nommée Kar-A-Sutra, qui est aujourd’hui rentrée dans les précurseurs du monospace (Renault l’embauchera même comme consultant avant le lancement de l’Espace).
Mais revenons-en à la Lancia Beta Trevi, le groupe Fiat décide de faire confiance à cet artiste pour concevoir l’intérieur de la Trevi qui va réaliser un habitacle très moderne pour son temps, totalement décalé, au point de se demander ce qui a pu pousser Lancia à commercialiser la Trévi avec un tel intérieur ! Le tableau de bord reprend tous les codes du design industriel cher à Bellini : géométrie, usage des formes circulaires à outrance pour les boutons, commandes et voyants, et l’utilisation de plastique…
En tout, ce n’est pas moins de 29 trous de taille différente qui ont été creusés sur cette planche de bord afin d’accueillir les divers indicateurs de la voiture. Le tout est orienté vers le conducteur, soit disant pour être ergonomique. La presse contemporaine au lancement de la Trevi ne sera pas du tout convaincu de cet argument…
Mais il n’y as pas que le tableau de bord qui est futuriste, le dessin des fauteuils et de la banquette arrière est lui aussi osé, recouverts de tissu avec quelques coutures très marquées afin de leur donner un aspect très tendu, voire boursoufflé. Original mais confortable, il convient de le souligner, comme la place dans l’habitacle qui est largement satisfaisante pour une famille entière ! Aussi, le ciel de toit est traité de la même façon, et le plafonnier avec sa liseuse digne d’une lumière de salle de bain avec du plastique et des formes rondes !
Pour autant, l’intérieur est très complet et plutôt bien travaillé. Jugez-en par vous-même, les conduites de chauffage débouchent dans les portières, un aérateur permet de dégivrer les vitres : voilà un élément utile, rarement vu sur une voiture… Pour le confort, les occupants disposent, outre d’assises confortables, de cendriers incrustés dans les portières et une simple pression permet de les ouvrir ! Aussi, le plafonnier dispose d’une montre digitale, un élément alors rare et bien souvent réservé aux voitures de luxe. Que peut-on encore citer ? Le miroir de courtoisie situé dans le vide poche, qui contient également des tablettes amovibles, l’épaisse moquette au sol. Et n’oublions pas les vitres électriques à l’avant !
Quant aux motorisations, la Beta Trevi était initialement disponible en trois versions, tous des quatre cylindres en ligne. Le premier faisait 1.585cm3 pour une puissance de 100Ch, le second était un 1.995cm de 115Ch, et le troisième était toujours le 1.995cm mais alimenté par une injection alors que les deux premiers l’étaient par le biais d’un carburateur, cette dernière monture proposait 122Ch. La Beta Trevi voit son offre évoluer rapidement pour voir un compresseur être monté à partir de 1982 sur le moteur de 115Ch, ce qui lui permet d’offrir 135Ch. La Trevi VX venait de naitre.
Mais pour notre article, nous resterons avec une Beta Trevi 2000 IE de 1982, c’est donc la version qui développe 122Ch, soit la plus puissante excepté la VX. La base de ce moteur est un Lampredi que l’on retrouve sur de nombreuses voitures du groupe Fiat, à commencer par les Fiat 124 et 125, mais aussi la Lancia Beta berline ou encore la Fiat Ritmo… Côté performances, Lancia annonçait pour la 2000 IE une vitesse de pointe à 180km/h et 10,2 secondes pour passer de 0 à 100km/h. Mais pour voir ce que vaut ce moteur, le mieux n’est-il pas de faire un petit essai ?
L’essai de cette voiture sera très bref, non pas par faute de temps mais parce que le convoyage de l’auto ne se fera sur quelques kilomètres seulement. Heureusement pour moi, la mécanique de cette Trevi était chaude lorsque j’ai pris son volant entre mes mains. Je ne reviendrais pas sur l’habitacle qui a pu faire, qui fait et qui fera couler beaucoup d’encre à son sujet, et vous avez déjà mon avis à son sujet. Concentrons nous uniquement sur la conduite, et dès les premiers tours de roues, la Beta Trevi montre son agilité avec une direction très précise avec un rayon de braquage qui a l’air d’être court, et un moteur plutôt souple. Les premiers kilomètres se feront sur un rythme tranquille, la voiture ne bronche pas à la tâche et accélère chichement jusqu’à la vitesse actuellement autorisée en ville. Après quelques virages à 90° dans lesquels la Lancia Trevi montre son agilité, nous voilà parti sur des routes de campagnes.
Le rythme devient un peu plus soutenu et déjà, deux gros virages s’annoncent devant nous. Nous les passons à 70km/h sans que la voiture ne soit victime d’un roulis trop prononcé, mais déjà, je sens la direction un peu légère… nous essayerons de confirmer ou non ceci plus tard. En sortie de virage, le moteur ne demande plus qu’à monter dans les tours. Ça tombe bien, une ligne droite avec une cote en face se présente, une accélération franche nous permet de monter jusqu’à 90km/h et la voiture se maintient tout du long de cette butte, le tout dans un confort incroyable et sans que le moteur ne pèse sur les oreilles des occupants.
Un peu plus loin, une grande ligne droite, de quoi faire un petit test de vitesse en laissant le moteur s’exprimer. La voiture monte rapidement dans les tours, l’aiguille du tachymètre s’affole… La Lancia Beta Trevi aurait très bien pu être une berline un zest sportive, mais sa direction ne suit pas et s’avère finalement trop légère sur les départementales. De quoi nous inciter à être sage sur la route et nous amuser à n’accélérer que pour atteindre la vitesse autorisée, un rythme qui va parfaitement à cette voiture qui enchaine les kilomètres sans ne jamais broncher. Avant de rendre la voiture, j’effectue un dernier test pour regarder le couple du moteur, en roulant à 70km/h en cinquième. Certes, le moteur est manifestement en sous régime, mais avec l’aide de l’injection électronique, celui-ci roule sur un filet de gaz sans nul soucis et repart même pour prendre quelques tours et revenir à un rythme plus normal.
Les +
_ Intérieur provoquant
_ Moteur joueur
_ Confort
_ Cote faible
Les –
_ Ligne banale
_ Intérieur provoquant
_ Modèle oublié et rare
_ Finitions « Fiat »
L’avis d’Alex
En conclusion de cet essai, la Lancia Trevi est une voiture pleine de surprises. Si son style extérieur est presque sans saveur et semble copier d’autres marques, l’intérieur est totalement décalé avec le reste de la voiture, et même de la production automobile : le tableau de bord est une véritable pièce d’art, belle ou pas, on vous laissera juger, mais elle ne laisse pas indifférente. Aussi, les fauteuils sont dessinés avec soin pour prendre des formes rarement vues dans une voiture, qui en plus d’être esthétiques, sont confortables ! Et que dire de la conduite qui est presque divine, un moteur qui a du couple, vif et qui veut s’amuser, un confort digne d’une Citroën à suspension pneumatique… Moi qui adore rouler décaler, cette voiture est un véritable coup de cœur, mais je suis également conscient que cette voiture ne plaira pas au plus grand nombre, un défaut qui n’en est pas vraiment un car la côte de cette voiture a tendance a rester … faible !
Remerciements à l'équipe du Relais de l'Auto Ancienne pour le prêt de cette Lancia Beta Trevi le temps de faire quelques photos ainsi que pour l'essai.