Citroën avait lancé la mode des utilitaires en se basant sur une voiture populaire avec la 2CV Fourgonnette, laquelle reprenait l’avant de la 2CV sur laquelle avait été greffée une caisse; il était donc normal que Citroën perpétue cette idée lors du remplacement de la gamme des 2CV Fourgonnette avec l’Acadiane. Cette opération relevait pour les hautes instances de Citroën d‘une véritable nécessité au milieu des années 1970, comment renouveler la gamme utilitaire de la 2CV pour relancer les ventes, face à une Renault 4 Fourgonnette, plus moderne, qui ne cesse de grappiller des parts de marché ? Une idée simple sort du lot : faire du neuf avec du vieux. Ainsi, la Dyane servira de base, et se verra appliquer le même traitement que les 2CV AK. Cependant, d’un point de vue commercial, la Dyane était une berline qui n’a jamais réellement trouvé son public, boudée au profit de la 2CV, qui, de plus, était en fin de carrière. C’est pourquoi l’Acadiane va faire l’objet de petites attentions…
Pour conter l’histoire de l’Acadiane, il faut commencer par la Dyane. Elle fut lancée en 1967 dans le but (non avoué) de remplacer la 2CV vieille de 16 ans, que Citroën pensait à bout de souffle d’un point de vue commercial. Faire évoluer ce concept semblait inéluctable, notamment dans le sens du confort et du « luxe », afin de tenir tête à la Régie Renault et sa R4. Présentée au salon de Francfort 1967, la Dyane est l’œuvre de deux stylistes de chez Panhard, marque rachetée par Citroën en 1965, élément par lequel on peut éventuellement comprendre le nom de Dyane (Dyane – Dyna), dont le projet est retouché par deux stylistes de la marque aux chevrons afin que le projet Dyane colle le plus parfaitement à l’esprit Citroën. Au final, la Dyane ressemble à une 2CV, semble vouloir faire plus moderne, mais la base de la 2CV casse cet élan. La ligne de la Dyane est ainsi hasardeuse, jouant entre les courbes et les lignes, ce qui fut sans doute la cause du succès très mitigé de cette voiture. En effet, la « Super 2CV », dixit le service marketing, ne convainc pas la clientèle, qui lui préfère la simple 2CV. Le coup de grâce fut porté en 1983, la Dyane tire sa révérence, à bout de souffle au niveau commercial, tandis que la petite 2CV continue à s’afficher au catalogue Citroën, et ce jusqu’en 1992 ! Echec commercial ? Pas du tout, puisque la Dyane a tenu seize années dans la gamme Citroën, et plus d’un million quatre cent mille exemplaires ont été écoulés. Mais pendant très longtemps, la Dyane a vu sa réputation entachée, et ce n’est que très récemment que le monde de la collection a redécouvert cette voiture ! Mais ne restons pas plus longtemps sur la Dyane, et partons sur l’Acadiane.
L’Acadiane, c’est donc un avant de Dyane, et une caisse tirée de la 2CV AK400. Cependant, la caisse de la Acadiane a été améliorée par rapport à la 2CV Fourgonnette, qui se voit légèrement agrandie, permettant un volume de chargement plus important. Voilà de quoi rivaliser avec la toute nouvelle Renault 4 F6, lancée en 1975, et que les 2CV ne pouvaient suivre. Le châssis quant à lui se voit allongé pour tenir le coup par rapport à celui de la Dyane, dont l’empattement augmente de 135mm, et le porte-à-faux arrière de 20mm (d‘ailleurs, le châssis de l‘Acadiane est spécifique à ce modèle). L’ensemble mesure 4,03 mètres de long, ce qui est 16 millimètres plus long que la berline, mais c’est surtout la hauteur qui impressionne, avec son mètre quatre-vingt ! La charge utile est de 475kg, dépassant donc les 400kg de la principale rivale, la R4 F6, mais aussi de celle qu’elle remplace, la 2CV AK400 ! 2,27 mètres cube de chargement aussi; c’est sensiblement plus que les 2CV AK … Des dimensions généreuses, un poids plus élevé, il fallait encore un moteur pour transporter le tout. Et l’Acadiane obtient le droit au moteur le plus puissant de la gamme des bicylindres, le 602cm3 en provenance de l’Ami8, alimenté par un carburateur double corps de marque Solex, le tout développant 31Cv DIN. Mais plus que pour sa puissance, c’est pour son couple que ce moteur a été choisi, avec 4,2mkg à 3500 Trs/min. Voilà de quoi rouler à 100km/h (à vide), sans trop ralentir une fois chargée ! Mais à partir de 1981, la puissance va être ramenée à 29Cv…
D’un point de vue esthétique, bien que cela ne soit pas (trop) important pour un utilitaire, la liaison entre la cabine de Dyane et la caisse utilitaire est mieux faite vis-à-vis de la 2CV; fini la caisse qui semble posée à la va-vite (les arrondis y sont pour quelque chose ! ). L’avant est le même que celui des Dyane, à l’exception près des pare-chocs, dépourvus de chrome, et, bien évidement, du toit sans capotage. Une petite touche de chrome est conservée pour les enjoliveurs de phare, il aurait de toute façon été difficile de faire autrement. L’Acadiane semble donc mieux finie, cette impression se ressent à l’intérieur, où le tableau de bord est le même que celui de la berline, avec cendrier et aérateur orientable, le grand luxe pour un utilitaire ! Dans le même sens, les fauteuils sont réglables, les panneaux de porte s‘équipent de vide poche et d’accoudoir, la voiture dispose de ceintures de sécurité à enrouleur; mais c’est surtout les vitres qui jouent énormément pour le confort. En effet, celle-ci sont descendantes sur l’Acadiane, alors qu’elles sont coulissantes sur la Dyane. Symbole de modernité, c’est aussi un important gain de confort en cas de chaleur, mais aussi de luminosité. Avec ce dernier élément, l’Acadiane trahit son pays d’assemblage, l’Espagne, où la Dyane était proposée avec de telles vitres ! Seul le volant à deux branches provenant de la 2CV Spécial, et la couleur noire de l’intérieur rappellent que l’on est dans un utilitaire. Du côté des options, le client pouvait choisir un embrayage centrifuge, ainsi que le fauteuil passager escamotable. L’Acadiane gagne aussi sur le plan de la sécurité, puisque le freinage est amélioré par rapport aux 2CV AK, avec des freins avant à disque et des freins arrière provenant de l’Ami8.
La caisse arrière provient donc de la 2CV AKS400, qui se voit modifiée sur quelques éléments, le plus important visuellement parlant étant l’arrondis à l’avant de la caisse, sans doute plus aérodynamique. Les feux arrières sont également nouveaux, fini les feux ronds, lesquels cèdent leur place à deux feux rectangulaires, piochés dans la gamme Peugeot, puisque montés sur les camionnettes 404, 504 et J7. Le pare-chocs arrière diffère de l’AK400 également, le pare-choc en lame est troqué contre un tube avec d’importants butoirs en caoutchouc noir., moins beaux, mais sans doute plus efficaces.
En ce qui concerne l’évolution de l‘Acadiane, peu de choses seront modifiées, si ce n’est la puissance (évoqué un peu plus haut), le monogramme arrière qui devient en plastique noir à partir de 1982 en lieu et place des autocollants, et la casquette de la grille d’aération qui disparait en 1983. En 1984, quand le C15 sort, l’Acadiane est condamnée, devenant désuète, d’autant plus que le C15 se dote d’une mécanique Diesel, qui va prendre l’avantage sur l’essence par de nombreuses politiques fiscales. La production de cette dernière s’effondre, elle tient tout de même jusqu’en 1987 du fait de son prix dérisoire; la dernière Acadiane sort de chaine cette année là, mettant fin à une lignée née en 1950 avec la 2CV AU. Les derniers exemplaires neufs seront écoulés dans le plus grand silence jusqu’en 1989 avec d’énormes ristournes pour écouler les stocks… D’un point de vue commercial, l’Acadiane a été vendue à plus de 250.000 exemplaires, des chiffres faibles comparés à la 2CV Fourgonnette (1.250.000 unités), mais il ne faut pas oublier que la 2CV fourgonnette était à bout de souffle en 1978, et l’Acadiane a su lui donner un nouvel élan, jusqu’à l’arrivé du très moderne C15. En cela, on peut donc constater que l’Acadiane est une voiture de transition entre la très rustique 2CV Fourgonnette et le C15 à l’équipement très complet.
Sur cet article, c’est une Acadiane datant de 1985 que nous avons, celle-ci se présente dans un état très correct pour un utilitaire. On le dit très souvent, mais les utilitaires n’ont pas vocation à devenir des véhicules de collection, et leur première utilisation ne permet pas de les conserver dans un parfait état, chargement oblige, mais aussi parce que certaines entreprises n’ayant de place, les laissent dormir dehors. Celle-ci semble toutefois avoir échappé à tout cela, ayant été la voiture d’un agriculteur, lequel l’a toujours bien entretenue, preuve en est, la voiture ne présente que très peu d’impacts sur la carrosserie, le plus méchant étant celui sur l’arrête à l’arrière de la caisse qui est légèrement déformée sur le côté gauche. Rien de bien grave toutefois, puisque l’ancien propriétaire ne s’est pas donné la peine de le faire réparer… Les planchers de cette Acadiane sont eux aussi dans un bel état, ils ne sont pas enfoncés, ni même attaqués par la rouille perforante, preuve là encore que cette voiture n’a déplacé que de petites charges au cours de sa carrière. La vie de cette auto aurait pu connaitre un autre sort lorsqu’elle fut rachetée par un chasseur, mais lui aussi l’a toujours entretenue, sans la brusquer; une chose très rare. Il faut dire que l’Acadiane a hérité des qualités de la 2CV et est un utilitaire passe partout, les chemins, mêmes accidentés, ne lui font pas peur, d‘où un très grand intérêt de la part des chasseurs qui en ont usé un bon nombre dans les bois. A cela, s’ajoute la fiabilité et la simplicité de conception, à la fois de la voiture mais aussi de la mécanique.
Néanmoins, cette Acadiane n’est pas exempte de défaut. On peut citer entre autres la couleur du pare-chocs avant, qui est ici de la même couleur que la carrosserie alors qu’il devrait être gris clair. Ceux qui ne jurent que par le tout d’origine auront peut être remarqué que les jantes ne sont pas toutes de la même couleur : grise, blanche, beige ! Mais ces défauts ne sont que peu de chose, tant que la voiture roule ! Enfin, l’élément le plus dommageable sur cette voiture, c’est la jupe arrière qui est attaquée par de la rouille, perforante en plus, alors que le reste de la voiture en est totalement exempt. Mais là non plus, cet élément attaqué n’est pas très grave puisqu’il ne s’agit pas d’une tôle nécessaire à la structure de la caisse, et qu’un petit peu de travail de carrosserie permettra de remédier à cela. Mais n’oublions pas que cette jupe arrière est le grand point faible des utilitaires Citroën.
Les +
_ qualités de la 2CV (simple, fiable, économique)
_ le moteur (602 à carburateur double corps)
_ véhicule utilisable au quotidien
_ peu courant dans le monde du véhicule ancien
Les –
_ image
_ Contrôle technique annuel
_ état souvent catastrophique
_ Des pièces spécifiques difficiles à retrouver
L’avis d’Alex
Un petit utilitaire comme voiture de collection, peu de personnes y pensent au vu de la maigre utilité de ce genre de véhicule et des éléments administratifs plus rigoureux (taxe parafiscale, contrôle technique annuel). Mais l’Acadiane est surement le petit utilitaire le plus typé, et le plus pratique au quotidien, puisque la majeure partie des pièces mécaniques et d’usure se retrouvent sans problème, sa fiabilité et son côté économique finiront de séduire les plus septiques. Le freinage par frein à disque est un plus non négligeable, le moteur permet de rouler à allure soutenue (pour une deuche), et le confort enlève les vibrations et le bruit si difficile à supporter dans une 2CV Fourgonnette. Ainsi, l’Acadiane se trouve être l’une des meilleures alternatives pour faire de la route sur longue distance avec un utilitaire ancien, elle saura aussi passer partout, chemins, champs, passages de gué ne lui feront pas peur, encore moins la neige ! Enfin, une Acadiane peut encore se trouver à bon prix avec un peu de patience, la côte quand à elle oscille sur le marché entre 500€ et 4.000€, mais à ce prix, il faudra qu’elle soit absolument parfaite !
Remerciement à l’équipe du « relais de l’auto ancienne » pour la mise à disposition de cette Acadiane, ainsi que pour les nombreuses informations données sur cette voiture.