L’aventure d’ABC Motors débute au début des années 1910 par l’association de Ronald Louis Charteris et Lawson Adams, deux ingénieurs motoristes qui avaient chacun leurs entreprises de production de moteurs, principalement à destination du monde maritime. Leur association permet de fonder la « All-British Engine Company« , motivée par la production de moteurs à plus grande échelle, et surtout pour mettre au point des moteurs d’aviations. L’entreprise embaucha rapidement l’ingénieur Granville Eastwood Bradshaw qui met au point une gamme de moteurs allant du quatre cylindres en ligne aux moteurs en V (du V4 au V16).
Pour l’anecdote, afin de tester leurs moteurs d’aviation, la « All British Engine Company » achète une automobile pour n’en conserver que le châssis, y apposer une carrosserie sommaire en bois afin d’en faire un banc d’essai roulant. Pour l’heure, il n’était pas encore question d’une aventure automobile, l’entreprise place ses premiers moteurs dans des avions courant 1911 et bénéficie, petit à petit, d’une réputation grandissante. A la fin de l’année 1912, Lawson Adams décide de partir de la société, et s’il emporte avec lui certains projets de moteurs, la All British Engine Company continue son bonhomme de chemin en se dénommant désormais « ABC Motors », avec des locaux situés à Brooklands.
En aménageant à Brooklands, l’un des premiers contrats de la société fut d’améliorer les performances d’un moteur de moto à la demande d’un pilote motocycliste. Une activité qui poussa ABC Motors à imaginer son propre moteur de moto, un bicylindre de 500Cm3 dévoilé début 1913, afin de le proposer aux constructeurs de motos. Ce moteur évolua à de nombreuses reprises au cours de l’année 1913, avant qu’ABC Motors décide de produire ses propres motos en 1914, sans doute faute de trouver de bons débouchés auprès des fabricants, et ce malgré même les nombreux succès sportifs des moteurs ABC. Une filiale – ABC Road Motors – est alors créée pour séparer les activités aéronautiques et terrestres.
Hélas, 1914 signe le début de la première guerre mondiale, comme nombre d’entreprises, ABC Motors est employé à l’effort de guerre, la production de motos diminue fortement pour laisser place aux moteurs d’aviation et aux composantes mécaniques. La production de motos reprend véritablement en 1918, avec une refonte de la gamme et l’arrivée d’une petite moto de 250cm3 dont le moteur se situe au-dessus de la roue arrière, un ancêtre du scooter. Pour compléter son activité et compenser les pertes liées à la fin des contrats publics (fournitures de moteur d’avions pour l’armée), ABC Motors décide de se tourner vers l’automobile.
ABC Motors travaille sur un châssis automobile ainsi que sur diverses motorisations, plusieurs projets sont étudiés (du cyclecar à la voiture de sport) pour finalement donner naissance à une voiture légère, dont la mise au point débute au premier trimestre 1919. Le projet, relaté par la presse, permet à ABC Motors d’engranger des centaines de précommandes à partir de la fin 1918 (avec versement d’acompte), les articles flatteurs d’Autocars et Light Car d’avril et mai 1919 font rapidement porter le nombre de commandes à 3.000. Le prototype du châssis fut présenté lors de l’Olympia Show en novembre 1919.
Le défi est important à réaliser et ABC Motors dispose de moyens limités pour industrialiser un produit qui, à priori, se vend bien. Diverses solutions sont envisagées, une augmentation de capital, plusieurs projets de fusion avec d’autres sociétés, c’est finalement Harper Bean, lui-même constructeur automobile et à l’initiative d’un projet de groupe similaire à General Motors au Royaume-Uni, qui apporte son aide à ABC Motors : fourniture des matières premières, aide pour industrialiser la voiture, et commercialisation du produit final; le tout moyennant une prise de participation au capital d’ABC Motors et d’une redevance sur chaque voiture vendue.
ABC Motors est ainsi en mesure de produire sa voiture et de débuter les livraisons à partir du mois d’août 1920, les premiers mois sont consacrés à la montée en puissance de l’outil industriel : de six voitures par semaine en août 1920, ABC Motors passe à 40 voitures hebdomadaire en janvier 1921. Lors du lancement de la production, on compte environ 3.000 voitures commandées, mais le nombre de voitures à livrer est moindre compte tenu des annulations à venir. En 1921, la gamme ABC Motors est enrichie de plusieurs variantes de carrosseries et le prix est diminué à de nombreuses reprises grâce à l’amélioration de productivité de l’usine.
En 1921, on estime à 800 le nombre de voitures ABC vendues, un score honorable mais insuffisant pour une entreprise qui tablait sur une production de 5.000 exemplaires l’an, le modèle économique proposé par Bean avait échoué – lui même avait été contraint de quitter la direction de la Bean Motor fin 1920. En 1922, on tenta bien de sauver le navire en limitant la production, en proposant une réduction des salaires – qui fut refusée et entraina des licenciements -, en diminuant les stocks et en tentant de vendre toujours plus de voitures, mais les efforts, insuffisants, conduisent à la ruine d’ABC Motors en juillet 1923. Premier clap de fin.
L’aventure d’ABC Motors redémarre en décembre 1923, à l’initiative de T.A. Dennis, ancien cadre de la société, qui rachète les stocks et la marque, et relance la production dans de nouveaux locaux. La seule évolution notable arrive fin 1924, une carrosserie Supersport est lancée, elle se distingue par sa queue pointue, ses deux fauteuils décalés et son moteur de 1326cm3 (quand le reste de la gamme était sur un 1.223cm3). La deuxième vie d’ABC Motors cesse en 1927, faute de commandes, et la société fut liquidée en 1929, cette fois sans lendemains. La production totale d’ABC Motors est estimée à 1.500 voitures.