Il est l’instigateur du Bio Design, de la carrosserie à effet de sol, il est à l’origine de la révolution du design japonais des années 1980 … Luigi Colani est un designer allemand hors-pair, l’un des plus influant, dont certains n’hésitent pas à souligner la modernité et le demi-siècle d’avance de ses œuvres, en le comparant notamment à Léonard de Vinci… Signe qui ne trompe pas, Colani enchaîne les collaborations avec les grandes marques dans divers domaines d’activités : l’aviation, le mobilier, les instruments de musique, l’électroménager, l’architecture … et ce qui nous intéressera pour cet article, l’automobile.
S’il est une chose dont on peut être certain, les œuvres de Colani ne laissent indifférent, on aime ou on déteste ! Si le travail de Colani est en général apprécié, tel n’est pas le cas de ses œuvres automobiles (et autour du thème du transport en général), où il laissait s’exprimer toute sa folie. C’est donc dans un monde de l’étrange que Colani vous amène !
Présentation
Lutz Colani, plus connu sous le nom de Luigi Colani, nait le 2 Aout 1928 à Berlin d’une mère polonaise et de père suisse. Dans sa jeunesse, il dirige ses études dans l’art, entre à l’école des beaux-arts de Berlin et y étudie la sculpture et la peinture. Puis, de 1949 à 1952, il se dirige a Paris, à La Sorbonne, où il étudie l’aérodynamique.
Carrière
Avec une spécialisation dans l’aérodynamique, on peut penser que c’est tout naturellement que Colani commence sa carrière dans l’automobile, pourtant, dans les années 1950, l’aérodynamique était une donnée peu prise en compte par les constructeurs. Quelques artisans, comme Charles Deutsch en faisait une spécialité sur ses voitures qu’il dessine pour les 24 heures du Mans, avec qui Colani va se lier pour débuter sa vie active. Rapidement, en 1952, il part pour les Etats-Unis, direction la Californie, où le constructeur d’avions McDonnel Douglas l’embauche dans son département « New Matérial », où il a la charge des études sur la mise en œuvre dans l’aviation de matériaux synthétiques.
A peine un an plus tard, Colani revient en France où Simca le recrute pour concevoir un véhicule sportif en matière synthétique.
 Dès lors, les affaires s’enchainent rapidement pour Colani : en 1954, il conçoit une carrosserie pour une Fiat avec laquelle il expose au Salon de Genève et y remporte un prix. En 1957, c’est dans la perspective de battre un record de vitesse sur le Nurburgring qu’il confectionne une carrosserie aérodynamique sur une Alfa Roméo.
Au début des années 1960, Colani réalise un kit-car sportif sur base de Volkswagen Coccinelle avec carrosserie en polyester : la Colani GT. Elle fut la seule œuvre automobile de Colani à connaitre une commercialisation. Toujours dans les matériaux synthétiques, Colani développe en 1963 un prototype de petite voiture sportive pour BMW sur base de BMW 700. En 1965, une évolution de la Colani GT arrive, ce sera la Colani Whippet, toujours sur base Volkswagen, avec cette fois des portes papillon. Quelques rares exemplaires furent vendus. Enfin, en 1965, la Colani RS estprésentée au salon de Franfort mais demeure au stade de prototype sans jamais être commercialisée.
C’est aussi à partir des années 1960 que Colani, déjà passionné d’automobile sportive, s’intéresse de près à leur aérodynamique et applique la démarche qu’il avait appris dans l’aéronautique : constater que les formes d’alors sont inadaptés pour la vitesse, et considérer l’automobile comme un avion qui vole sur la route. Il étudie de près l’écoulement de l’air et remarque qu’en le canalisant au centre de la voiture, puis en l’emprisonnant avec une « aile retournée », que la voiture serait plaquée au sol, permettant de compenser la légèreté de la voiture. Il réalise une maquette de ce principe et la nomme C-Form, et en dépose le brevet en 1967. La carrosserie a effet de sol venait de naître.
Si le brevet est déposé et que les études sur l’effet de sol montrent leur efficacité, les constructeurs automobiles restent frileux, si bien que cette étude n’aura que peu d’impact. Colani en prend acte et cherche à réveiller le design automobile, qu’il réalisa de deux façon : démontrer les vertus de l’aérodynamique avec des records de vitesse ou de consommation, et interpeller les designers et constructeurs avec des maquettes provocatrices. Il débute ainsi en 1970 avec la C112, à l’origine une proposition pour la Mercedes C111 qui fut non retenue et affichait un Cx proche de 0,20. Autre prototype de cette année 1970, la Colani Le Mans basée sur une Lamborghini Miura. Les formes sont alors très arrondies, alors que la mode est au lignes droites. Colani explique sa démarche en s’inspirant de la nature, où la ligne droite n’existe pas, mais que les formes ovoïdales sont les meilleures car sont les moins énergivores. Sans parler alors de Bio Design, l’idée fera petit à petit son chemin …
Si l’effet de sol n’intéresse pas les constructeurs, le milieu du sport automobile peut tirer profit de cette invention, notamment la Formule 1. Colani réalise en 1972 pour le compte de l’écurie Eifelland une F1 spectaculaire pour l’époque, qui adopte un rétroviseur-périscope central installé devant le pilote, permettant ainsi de passer outre les ailerons arrière pour améliorer la rétrovision, au dépend de la vision vers l’avant toutefois. A noter aussi la prise d’air de refroidissement moteur situé juste devant le volant ! Durant cette saison 1972, Colani fut le consultant aérodynamique de cette petite écurie, mais faute de moyens suffisant, elle ne pourra terminer la saison.
Au milieu des années 1970, la vague du néo-rétro apparait, il s’agit de concevoir des formes nouvelles en s’inspirant de l’ancien. C’est à cette époque que la Clenet Series 1 apparaît aux Etats-Unis, une voiture vendue au prix d’une Rolls-Royce, poussant de nombreux artisans à en faire de même. Colani ne reste pas insensible à cette mode, et réalise en 1976 L’Aiglon, une voiture qui expérimente le néo-rétro façon Colani, avec ce brin de folie typique au designer allemand. Pour cette voiture, ce sera la capot, d’une longueur à n’en plus finir, sur lequel est inscrit le titre complet de Napoléon.
Colani revient vite aux voitures aérodynamiques après ce petit interlude néo-rétro, avec en 1976, un prototype sur base de Volkswagen Polo pour battre un record de consommation, la TestWagen; puis la Ford-Colani GT80 de 1976, arborant les couleurs de Castrol. Cette voiture en plastique est une étude préliminaire à la carrosserie en aluminium qu’adoptera le même modèle plus tardivement.
Après la TestWagen de 1976, Volkswagen s’attache les services de Colani pour un second prototype sur base de Polo, plus proche de la production en série toutefois. Les modifications apportées par Colani permettent d’augmenter la vitesse de 12km/h, tout en consommant 1,2 litres de moins que la Polo de série. Puis, en 1977, Colani lance une étude de voiture qui pourrait remplacer la Volkswagen Coccinelle, et se placer entre la Polo et la Golf dans la gamme du constructeur allemand. Mais ces solutions, trop radicales pour l’époque, ne seront pas commercialisées.
Avec l’aérodynamique, Colani a compris rapidement que des économies d’essence pouvaient être réalisées, il se penche en 1978 sur les poids lourds. Le seul fait d’intégrer une cabine au Cx poussé permet de réaliser des économies de l’ordre de 30 à 40%. Colani base toujours ses études sur l’analyse de la nature ! Le truck 2001, aussi surprenant qu’il puisse être, en est un parfait exemple.
Dans ses délires automobiles, Colani crée en 1979 le Sea Ranger, un véhicule amphibie sur base de Mercedes Unimog. Il s’agit d’un véhicule à vocation ludique, avec une grande surface vitrée, un toit-terrasse et un fauteuil de pêche en hauteur, mais qui aurait pu avoir des variantes professionnelles. Le véhicule est exposé au salon de Hanovre en 1980.
Pour démontrer l’efficacité de l’aérodynamisme, Colani conçoit en 1981 une carrosserie spéciale qu’il base sur une Citroën 2CV sans en modifier la mécanique. Le but, battre un record de consommation, qu’il obtient avec un superbe 1,77 litres aux 100km.
En 1981, Colani propose une étude à BMW, alors à la recherche d’un design pour éventuellement remplacer la M1. Si la proposition de Colani est résolument moderne, elle resta sans suite.

Les années 1980 sont celles du Bio Design, Colani continue les études dans ce sens et propose divers prototypes. L’une de ses études les plus poussées en aérodynamique apparaît en 1983, où le concept de concevoir l’automobile comme une aile d’avion inversée est poussé à l’extrême. Ce prototype, commandé par Mazda en vue de la participation aux 24 heures du Mans, était équipé d’un moteur rotatif de 950Cv et aurait été capable d’atteindre 380km/h dans la ligne droite des Hunaudières. Si Mazda n’engage pas ce prototype tel quel en course, certaines solutions aérodynamiques ont été reprises par la suite sur les voitures de compétition.
Au milieu des années 1980, Colani se détourne quelque temps de l’automobile, et pour cause, c’est du côté du Japon qu’il part s’installer. Repéré par Canon, il réalise alors de nombreux prototypes d’appareils photos et de caméras ergonomiques, puis s’intéresse à la robotique. Par ailleurs, Colani est à l’origine du premier appareil conçu autour de l’interface homme-machine avec le Canon T90. Au Japon, il collabora avec d’autres firmes telles que Sony, Yamaha, Nec …
Au milieu des années 1980, dénonçant l’impérialisme américain et le manque d’audace de l’Europe, il propose ses services à de nombreux ennemis de l’occident : la Chine, la Russie, l’Iran … De ces contacts, Colani revient à l’automobile en 1986 avec Lada, marque pour laquelle il signe en 1986 la Gorby, un véhicule ludique capable de s’épanouir hors route.

Puis il faudra attendre 1988 avec le projet « Utah-1 » pour avoir un nouveau véhicule signé Colani, un véhicule à deux roues qui se maintiendrait en équilibre à haute vitesse. De ce projet naît une série de véhicules destinés à battre des records de vitesse sur le lac de Bonneville. On retrouve à peu près toutes les sortes de véhicules terrestres, du simple véhicule à propulsion humaine à l’automobile à quatre roues, en passant par des véhicules à trois roues pour battre le record de vitesse de side-car, ainsi qu’une moto. Dans cette liste de véhicules figure notamment l’Utah-8, un prototype à moteur de moto BMW; ainsi que l’Utah-10 à la forme très profilée. Deux semaines durant, les prototypes se mettent en quête des records à Bonneville.
Lors de cette aventure aux Etats-Unis, Colani est approché par Ford pour dispenser des cours sur l’aérodynamique aux designers de Ford. Et sans doute, de cette rencontre, va naitre le mouvement stylistique des Ford des années 1980. Si le Bio Design commençait à être appliqué dans l’automobile, les années 1990 verront nombre d’exemplaires : Ford Scorpio, Ford Mondeo, Toyota Celica, Hyundai Coupé, Mitshubishi Colt…
En 1989, Colani signe la Ferrari Testa D’Oro, avec laquelle il ira chercher un record de vitesse dans la catégorie de l’auto, avec 351km/h.
Dans les années 1990, Colani va travailler pour le compte d’Airbus dans le design des avions, mais aussi l’ergonomie des cockpit, notamment celui de l’A320. En 1994, il est reconnu dans le monde de l’art par le centre Georges Pompidou de Paris qui le fait rentrer dans ses collections permanentes avec quelques unes de ses maquettes automobiles. En 1996, Colani signe un nouveau prototype aux formes néo rétro en souvenir de la Marque Horch.

Puis petit à petit, les créations automobiles de Colani se font plus rares, une nouvelle étude de camion en 2001 est réalisée avec la marque Daf et débouche sur un design quasi similaire au Truck2001 de 1978. La même année, il revoit la copie de la Traban en transformant la face avant, et donne naissance à un drôle de véhicule, le Colani Street Ray.
En 2006, il étudie des petits véhicules urbains jaunes aux formes toutes en rondeurs. Et cette même année, il signe le Supertrucks. Les oeuvres automobiles deviennent plus rares, citons la T600 dévoilée en 2015, jusqu’à son décès, survenu le 16 septembre 2019.
évolution nouveau moderne
création voiture d’avion