Peugeot 604 (1975-1985)

             Dans les années 1970, l’automobile française de luxe se réduisait à la Citroën DS, la Peugeot 504 et la Renault 16, une armée qui a bien du mal à lutter contre la concurrence des allemandes qui grignotent de plus en plus le marché du haut de gamme. Mais à cette époque, l’industrie automobile française veut redorer son blason et de nouvelles armes apparaissent : la CX chez Citroën, la R30 chez Renault, mais surtout, celle qui nous intéressera pour cet article, la Peugeot 604.

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              En 1971, Peugeot, Renault et Volvo signent un accord de coopération visant la mise en commun de leurs compétences techniques et de leurs moyens financiers pour concevoir un nouveau moteur V6, celui-ci fut le point de départ du renouveau du haut de gamme français en équipant moult modèles, à commencer par le coupé Peugeot 504 V6 qui fut la première française à se doter du PRV en 1974. Mais aussi, ce moteur est intégré au projet de berline haut de gamme qui donnera naissance à la 604 en 1975.

               Cette coopération sur le moteur permet de mettre en place un jeu « d’alliance » entre les constructeurs et fait écho à l’alliance Citroën-Fiat (qui restera éphémère). Quant à Peugeot et Renault, alliés sur le PRV, ils ne restent pas moins concurrents sur le secteur des berlines haut de gamme. Toutefois, une entente cordiale se met en place : Renault proposera une berline à deux volumes et hayon tandis que Peugeot restera fidèle à la carrosserie à trois volumes. Les deux rivales sont par ailleurs présentées en même temps, lors du salon de Genève en Mars 1975; mais le lancement de la 604 est fait à la hâte : le public ne peut approcher du prototype et le capot ne pouvait s’ouvrir. Il faudra finalement attendre le salon de Paris en Octobre 1975 pour approcher la 604 de près, soit deux mois après sa mise en production effective.

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                  Quarante ans après l’arrêt de la Peugeot 601, Peugeot réinvestit donc le marché des berlines de luxe et va tenter d’incarner le haut de gamme à la française. Sa carrosserie tout d’abord, loin de bousculer les codes du marché, est très classique : une stricte trois volumes avec un long capot, un coffre de bonne dimension, le tout avec des lignes très carrées et une ceinture de caisse assez haute. La ligne a été préparée par Pininfarina qui eut à faire à un cahier des charges relativement strict des dirigeants de Peugeot. Côté dimensions, la Peugeot 604 n’a rien à envier aux allemandes : 4,75 mètres de long, 1,77 de large… Le tout forme une berline statutaire dont le style démontre une volonté de s’attaquer à Mercedes.

                 Toutefois, si le style très carré de la 604 est conforme aux attentes des clients des berlines de luxe, il y a une contrepartie : la ligne est loin d’être aérodynamique et n’affiche qu’un Cx de 0,44 tandis que la moyenne du marché se situait alors aux alentours de 0,35 à cette époque. Et ce n’est pas qu’un petit détail, car la Peugeot 604 est présentée avec le V6 PRV dans sa version 2.664cm3 à boite à quatre rapports, qui permettait la vitesse maximale de 180km/h pour 136Cv, mais la consommation est loin d’être économique car elle se situe entre 14 et 17 litres aux 100km. Et présentée trois années après la première crise pétrolière, les clients d’automobile, y compris haut de gamme, cherchent à faire des économies sur l’essence… En somme, la consommation de la 604 freine brutalement son départ…

                Si la mécanique n’est pas la plus sobre, la Peugeot 604 a néanmoins des lettres de noblesse et ne va jamais recevoir un quatre cylindres essence. Pour le reste, la 604 est techniquement classique, fidèle à l’image de Peugeot qui réutilise des solutions techniques déjà éprouvées sur les autres modèles. Seuls peut-être la direction assistée à crémaillère et un freinage à quatre freins à disques ventilés se remarquent dans le lot. La suspension quant à elle a été développée pour gommer les irrégularités de la route et assurer un confort remarquable aux occupants.

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                Dans l’habitacle justement, la Peugeot 604 offre un niveau d’équipement correct et ce dès l’entrée de gamme, en plus d’être spacieux avec de la place tout aussi bien à l’avant que sur la banquette arrière.  Et il ne faut pas oublier un dernier atout, l’important volume du coffre qui est l’un des plus généreux  de sa catégorie. Alors, une bonne voiture finalement la 604 ? Le point de vue de la presse est assez mitigé, si le comportement routier de la voiture est souligné, la consommation élevée est décriée, et le niveau de finition n’est pas jugé digne d’un haut de gamme…

            En Septembre 1975, la 604 production de la 604 débute et sa commercialisation démarre lors du salon de Paris d’Octobre, seule la 604 SL est proposée (V6 à carburateur de 2664cm3, boite 4 et 136v). Mais les premières ventes sont en deçà des espérances et Peugeot rectifie le tir pour le millésime 1977 pour répondre aux principales critiques : La 604 SL est accompagnée par TI (dont elle reprend la base) par le remplacement des carburateurs par une injection K-Jetronic de chez Bosch, la puissance grimpe à 144Cv et une boite à cinq rapports est adjointe au moteur. Le résultat se ressent légèrement sur la vitesse de pointe qui grimpe de 5km/h mais surtout la consommation d’essence revient dans des normes plus acceptables : entre 11 et 15 litres aux 100.

                Aussi, l’équipement s’améliore dans le même temps avec les quatre vitres électriques et teintées, un volant avec un dessin plus agréable, une condamnation centralisée, tout ouvrant électrique… Côté nuanciers, la 604 est disponible en noir ou, en option, avec des teintes métallisées. Enfin, en option, le client pouvait choisir une climatisation, une boite automatique GM ou un intérieur en cuir.

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                Il faut ensuite attendre 1979 pour voir du nouveau dans la gamme 604 avec le lancement de la version D-Turbo avec un quatre cylindres Diesel turbocompressé de 2.304cm3 et développant 80Cv, c’est la première fois que cette solution technique est employée sur une berline en Europe. L’air de rien, Peugeot devance d’un an Mercedes sur cette motorisation et démontre son savoir-faire dans le Diesel. La 604 D Turbo est commercialisée en deux versions qui diffèrent au niveau de la finition, et donna un coup de pouce aux ventes de la grande berline car la 604 D occupa la moitié des ventes annuelles.

Peugeot 604 Limousine Heuliez

           Pour le millésime 1980, Peugeot commercialise la 604 limousine réalisée par Heuliez, cette version avait été présentée en 1978 mais sa production ne démarre que deux ans plus tard. Prévue pour les ambassades et les grandes pontes de l’Etat, la voiture n’arriva pas à conquérir sa clientèle et seuls 125 exemplaires furent commercialisés jusqu’en 1984 alors que le programme commercial prévoyait… 600 exemplaires par an !

                En 1981, pour redynamiser la voiture, une version GTI de la 604 est commercialisée avec un PRV porté à 2,8 litres de cylindrée et développant désormais 155Cv permettant une vitesse de pointe aux alentours des 190km/h. Toutefois, 604 GTI n’intéresse pas la clientèle qui préfère se tourner vers des concurrentes plus récentes.  Le Diesel évolue lui aussi avec l’apparition d’une nouvelle version, la 604 GTD et son moteur issu de la 505 qui développe 95cv.

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                Mais ces nouveautés n’entraînent pas le sursaut tant attendu du point de vue des ventes, et dès 1983, plus grand monde à Sochaux ne croit en la voiture, et petit à petit, des versions sont retirées du catalogue… Finalement, la production de la Peugeot 604 cesse le 16 Novembre 1985 après 153.266 exemplaires. Mais avec les stocks, les dernières 604 s’écoulent jusqu’en Juillet 1987 avec d’importantes ristournes. Bref, un véritable échec commercial.

               Pour expliquer cet échec, nous avons avancé la consommation élevée de cette voiture en temps de crise, mais ce n’est pas la seule cause. Peugeot a lancé certaines versions avec du retard, par exemple le V6 PRV à injection était prêt dès 1973 et aurait donc pu être monté dès les débuts de la 604 et lui éviter cette image de voiture consommatrice d’essence. Aussi, la finition de la Peugeot 604 n’était pas à la hauteur du marché visé, les commerciaux du constructeur avaient tendance à refuser la reprise de voitures germaniques pour financer l’achat d’une 604. Enfin, les jeunes cadres dynamiques préféraient de loin les rivales germaniques… Et surtout, la 604 ne marchait véritablement que sur le marché français, en dehors de l’hexagone, seuls l’Allemagne, la Belgique et l’Italie dépassaient la centaine d’exemplaires annuels, en dépit d’une tentative aux Etats-Unis.

           En définitive, la Peugeot 604 est un échec supplémentaire dans le haut de gamme français, il faisait suite à celui de la Renault Frégate, de la Citroën SM… Et n’allait pas être le dernier. Quant à la 604, elle reste aujourd’hui une voiture recherchée dans le monde de la collection, son style massif et l’image qu’elle donne rappellent une époque tout autre. C’est pour cela que la côte est parfois élevée pour certains exemplaires, mais il faut dire aussi que nombre de Peugeot 604 furent anéantis par la corrosion ou par d’autres maux. Sur un cheptel déjà restreint, trouver une 604 dans un bon état aujourd’hui demeure une chose rare…

8 réflexions sur « Peugeot 604 (1975-1985) »

  1. Je pense ne pas me tromper en disant que ce V6 devait à l’origine être un V8 qui sera amputé, d’où un côté bancal – ce qui l’handicapera (comme pour la R30 ou les Volvo 264, et même l’Alpine A310).

    Sinon j’aime bien cette 604, qui reste une propulsion (même si je suis fan de la R30 TX)

  2. la 604 n’avait surtout pas un agrément de conduite en rapport avec sa catégorie, ……. (on s’en rendait vite compte si on sortait d’une Mercedes ou une BMW), le V6 donnait l’impression de conduire un 4 cylindres à peine plus puissant, sans l’onctuosité ou le doux feulement habituel de ces motorisations, et le Diesel etait poussif car manquant de couple avant l’arrivée du turbo.
    La finition ainsi que la rouille habituelle des françaises de l’epoque l’ont achevés sans compter le service désastreux des concessionnaires envers des clients habitués à un autre professionnalisme !
    Par contre l’idée de l’alliance entre constructeurs était interessante pour ce type de modéles à production faible, et a d’ailleurs fort bien réussi dans cette période a FIAT/ALFA/SAAB pour leur modèle haut de gamme.

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