Neutral 4 (1986)

             Au milieu des années 1980, la Régie Renault est au plus mal, avec des ventes en baisse tant sur le haut de gamme avec sa Renault 25 que sur l’entrée de gamme avec ses R4 et Supercinq. Les suppressions d’emplois et le projet de fermeture de Billancourt pousse la CGT à proposer sa vision de la voiture populaire : la Neutral. 

Renault Neutral (1)

           Début 1985, les choses bougent chez Renault, lors d’une interview du président de la République le 16 janvier, celui-ci évoque les difficultés à la Régie qui venait de perdre dix milliards de francs lors de ces deux derniers exercices. Mitterrand parle en ces termes : « Renault pose un grave problème auquel il faudra répondre dans les jours qui viennent« . La réponse ne tarda pas, quelques jours plus tard, le président de Renault, Bernard Hanon, est limogé et rapidement remplacé par Georges Besse. Ce dernier hérite d’une entreprise en crise et décide de stopper tous les projets non rentables : amorce du retrait du continent Nord-Américain, arrêt de la Rodéo, revente des Cycles Gitanes, de Bernard-Moteurs…

Renault X45
Le projet X45, stoppé en juin 1985.

            Parmi les coupes opérées par Georges Besse, il y a l’arrêt du projet X45 visant la conception d’une petite voiture à bas prix, décidé en juin 1985 au motif d’une faible contribution au redressement de Renault (en clair, le projet n’est pas rentable). Cette décision, prise sur un projet des bureaux d’études, aurait dû rester en interne. Mais la CGT, puissant syndicat à la Régie, ne l’entend pas de cette oreille et y voit la « casse de la Régie », un modèle à bas coût, capable de remplacer la déjà vieille Renault 4, parait indispensable à la CGT pour maintenir l’emploi et l’usine de Boulogne-Billancourt, dont il commencerait à se tramer une fermeture.

Renault neutral - prospectus 01

             Si Renault lâche l’affaire de la voiture bas de gamme, la CGT décide de laisser un temps de côté le conflit et initie le développement d’un véhicule à bas coût. La démarche est inédite pour la CGT et doit mettre la direction face à ses responsabilités, lui rappeler son incapacité à sortir le véhicule qui prendrait la place de la Renault 4, malgré des études lancées depuis des années… La CGT réunit des camarades ouvriers, des techniciens et ingénieurs de Renault, ainsi que des anciens salariés et maquettistes qui vont ensemble définir puis réaliser la maquette d’une voiture populaire : la Neutral (anagramme de Renault).

Renault Neutral (2)

                Sur la base d’une Renault 4, l’équipe réunie par la CGT conçoit deux maquettes, une première pour présenter la carrosserie de la voiture, une seconde pour des études d’habitabilité de la Neutral. Le 12 février 1986, une association est fondée au siège de la CGT, l’ARPF pour « Association des Anciens et des Amis de Renault pour la Promotion d’une Petite Voiture Française« . La Neutral est finalement dévoilée le 07 novembre 1986, elle est présentée comme  « symbolis[ant] maintenant les nouveaux besoins d’aujourd’hui et de demain, à partir de nouvelles conceptions : rustique mais moderne, pas chère mais respectant la sécurité. ».  Avec son imposant « 4 » sur la calandre, La Neutral atteste une filiation avec la Renault 4 dont elle reprend les dessous, mais en s’équipant d’un moteur de Supercinq. Pour la carrosserie, si la ligne reste discutable, elle s’équipe d’un hayon quasi-vertical qui permet de bénéficier d’un important volume intérieur.

Renault X06 - twingo
Pendant ce temps, Renault étudiait secrètement la Twingo…

          Inutile de dire que le projet est rapidement rejeté par la direction de la Régie Renault qui contesta la viabilité économique de la Neutral, dont le prix de commercialisation était évalué par ses créateurs à 37.000 Francs. La CGT rappela que la Neutral n’est pas une voiture d’experts mais une proposition émanant de salariés de la Régie, réalisée en moins d’un an, et communiqua sur ce véhicule de nombreux mois à l’aide de tracts. Mais ce que la CGT ne savait pas, c’est que Renault avait dans ses cartons le projet W60 puis X06, gardé secret jusqu’à la fin des années 1980, qui allait donner naissance à la Twingo. Mais cette dernière allait être produite à l’usine de Flins, Billancourt étant déjà condamné…

Sources :
- L'Auto qui n'existait pas, Christophe Midler, éditions Dunod.
- Site Renaultconcepts.online.fr : lien 
- Tract édité en 1986 et distribué lors de la présentation de la Neutral.

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