L’histoire de Dacia

              Dacia s’est fait connaitre en quelques années sur le vieux continent avec sa Logan, voiture low-cost qui fut un véritable succès, que ce soit en terme de ventes que sur le plan de la fiabilité. Mais Dacia a une histoire avant cette voiture, ce constructeur roumain existe en effet depuis 1966 et a toujours eu des liens de proximité avec Renault, avant que le « losange » n’en prenne le contrôle pour en faire une success-story.

Dacia 1100 (3)

              La naissance de Dacia, c’est avant tout de la politique à la sauce communiste. En 1965, Nicolae Ceausescu succède à Gheorghiu-Dej et souhaite montrer la puissance économique de cette République socialiste en mettant en avant l’intérêt national. Ceausescu va notamment s’intéresser à l’automobile, il rêve d’un constructeur capable de produire une voiture populaire qui prendrait le nom de Dacia. Ce nom Dacia vient de Dacie, qui était le nom de la Roumanie sous l’antiquité.

                  Un cahier des charges est élaboré, les premiers traits de la voiture sont esquissés : il faudra une automobile de taille moyenne, avec un moteur situé entre 1.000 et 1.300cm3 et produite à environ 50.000 exemplaires annuellement. Mais le gouvernement roumain le sait, produire une voiture en partant d’une page blanche sera une tâche difficile, c’est pourquoi il est décidé de se tourner vers la production d’une voiture sous licence afin d’économiser du temps et surtout de l’argent.

       Un appel d’offre est donc lancé, plusieurs constructeurs y répondent : Alfa Roméo; Ford, Morris et Peugeot. Le premier choix des roumains se porte sur Peugeot avec sa 204 mais ce projet fut finalement abandonné, une seconde tentative est effectuée avec Morris et sa Mini mais là encore, les négociations échouent. A ce moment, un constructeur japonais arrive, il s’agit de Toyota qui semble bien placé. Les constructeurs européens font barrage pour éviter l’irruption des voitures nippones en Europe, et finalement, la France propose à la Roumanie de produire des Renault sous licence, rappelons que le constructeur français était alors nationalisé.

                 Et Renault fut retenu par les roumains, puisque la Régie leur proposait de produire la future Renault 12 sous licence. Ainsi, Dacia s’équipait d’une voiture moderne, mais sa commercialisation n’est pas prévue avant 1969. Cela n’empêche pas la signature d’un accord en 1966 entre la Roumanie et Renault, Dacia était née. En attendant la Renault 12, la Régie propose à Dacia de produire la R8, la R10 ainsi que la R16, c’est finalement la première qui fut choisie.

                   L’usine Dacia est alors mise en construction, elle sortira de terre en 18 mois, les tests finaux ont lieu courant Juillet 1968. La première R8 produite par Dacia, la 1100, est contrôlée le 3 Août 1968 en bout de chaîne, la qualité est au rendez-vous, la production en grande série démarre. L’usine quant à elle fut officiellement inaugurée le 20 Août 1968. La Dacia 1100 fut produite jusqu’en 1971 à plus de 35.000 exemplaires !

                  L’usine Dacia se présente sous la forme d’un conglomérat intégrant un bureau d’études et diverses chaînes de production afin de développer une multitude de produits. En effet, l’accord signé entre Renault et Dacia prévoyait d’une part, la production sous licence de la Renault 12 avec l’intégration totale de la fabrication des pièces en huit ans, et surtout, la possibilité pour Dacia d’extrapoler des versions spécifiques de la R12.

                  La Renault 12 arrive en Roumanie à partir de 1969, conformément au contrat, et sa production sous licence démarre donc au mois d‘Août. La voiture se dénomme Dacia 1300, elle fut présentée courant Octobre 1969, en même temps que la Renault 12. Puis petit à petit, Dacia développe tout une gamme autours de la Renault 12 avec des utilitaires dont notamment des pick-up. À partir de 1978, Dacia devient indépendant de Renault et fabrique ses propres pièces sans les importer auprès de la Régie, et Dacia prend plus de liberté, comme avec la 1310, la version coupé de la 1300.

                  Entre temps, Dacia produira sous licence la Renault Estafette, c’est la Dacia D6, seules 800 unités sortent d’usine courant 1974/1975, le succès n’est pas au rendez-vous et condamne le modèle. La Renault 20 est également produite par Dacia sous la dénomination 2000 pendant quelques mois, une voiture qui été réservée aux hauts fonctionnaires roumains. Peu d’informations nous sont parvenus de cette voiture, qui fut sans aucun doute produite au compte gouttes.

                Mais le véritable succès de Dacia, c’est la 1300. En 1978, Renault propose à Dacia de produire la R18 sous licence, mais les négociations échouent. Dacia restera autonome avec sa 1300, mais cela marque le début de l’immobilisme du constructeur roumain. En Europe, l’industrie automobile évolue, mais pas en Roumanie, où Dacia fera avec ses propres moyens, c’est-à-dire peu de chose, si ce n’est plusieurs replâtrages de la face avant de la 1300.

                Le premier a lieu en 1983, une grossière calandre en plastique orne la face avant et la 1300 se dote par la même de pare-chocs en plastique. Cela n’empêche pas au modèle de vieillir, mais offerte à bas prix et surtout sans concurrence, la Dacia 1300 trouve ses clients, elle restera ainsi jusqu’à la révolution de 1989.

                   Mais ce modèle de production n’est pas viable sur le long terme, et Ceausescu donne l’ordre de produire une petite voiture économique destinée au trafic urbain. La voiture devra accueillir quatre passagers (dont deux enfants), consommer 3 litres aux 100km et offrir une vitesse maximale de 70km/h. La voiture ne sera pas réellement une Dacia, elle en portera le logo mais elle ne fut ni étudiée par Dacia, ni produite par ce constructeur. La Dacia 500, telle est son nom, dispose d’une carrosserie en matériaux composites et remplis le cahier des charges, mais la voiture n’est pas du tout adapté à la clientèle ciblée, et fut un échec cuisant. Pire encore, ce projet de véhicule économique fut remplie par une autre voiture, l’Oltcit Club, étudiée par Citroën. Au final, la Dacia 500 fut retirée quelques mois avant la révolution de 1989.

                     Enfin, en 1988 apparait la Dacia 1320, une 1300 à hayon et équipée d’une face avant spécifique. Le modèle n’aura pas le temps de prendre, quelques unités sont vendues à des Taxis avant que la révolution de 1989 n’intervienne. Produit avec de faibles moyens, la 1320 est à l’image de Dacia à cette époque : faire du neuf avec du vieux.

                La révolution amènera d’importants changements, mais Dacia ne semble pas déterminé à mettre au rebus la 1300. Ainsi, un nouveau restylage à lieu, la face avant change totalement, mais difficile de cacher l’ancienneté de la voiture. L’ensemble n’est guère harmonieux entre un avant récent et une caisse « démodée ». La même chose est faite sur la 1320 qui devient 1325 Liberta, mais ce modèle ne rencontre pas sa clientèle et moins de 7.000 unités ont été vendues. Dans le même temps, de nouvelles versions de la 1300 pick-up sont commercialisées.

                  Mais ce n’est pas le style qui cause le demi échec de Dacia à cette époque, la révolution de 1989 entraine la fin de la dictature communiste, l’économie du pays aura du mal à se reconvertir. Les premières années sont terribles, le PIB diminue de moitié, la monnaie nationale subie une inflation entre 50% et 300%. Les ventes de Dacia s’effondrent, passant de 88.000 unités en 1988 à 51.000 voitures en 1992. Dacia commence à entrer en contact avec Peugeot pour produire une nouvelle voiture sous licence, mais l’accord tombe à l’eau.

                    Il faudra une décennie pour que la Roumanie se remette en ordre de marche, mais Dacia parvient à se relever à partir de 1994, cette année, les ventes augmentent pour atteindre 71.000 unités, et le niveau d’avant 1989 est atteint à partir de 1995. Cette année là, Dacia présente la Nova, la première voiture 100% roumaine, un important bond en avant par rapport à la 1300. Même si la voiture est dépassée lors de sa présentation, la nouveauté a du bon et soutient les ventes de Dacia, au point de signer un record en 1998 avec 106.000 voitures vendues.

                        Malgré ces chiffres, Dacia est toujours en difficulté et cherche un constructeur pour l’épauler. Un premier accord fut conclu en 1997 avec le coréen Hyundai avec à terme la production de 50.000 Accent. Mais l’accord fut rapidement annulé d’un commun accord entre les deux protagonistes, le marché automobile coréen se contracte et Hyundai rationalise ses dépenses. Pour l’année 1998, Dacia obtient la certification ISO 9001 pour son processus de production, et la même année, le 2.000.000ème véhicule Dacia sort d’usine.

                          Toujours à la recherche d’un partenaire, Dacia se tourne alors vers Renault, un accord entre les deux entités fut rapidement scellé. Le 2 Juillet 1999, Dacia est privatisé et Renault prend 51% du constructeur roumain. Le constructeur français prévoit d’épauler Dacia afin d’en faire une entité capable d’intervenir sur les marchés émergents avec des produits bon marché. Cette collaboration démarre instantanément avec le restylage de la Dacia 1300, toujours au catalogue, puis le développement de la SuperNova qui fut présentée en 2000, première réalisation entre Renault et Dacia puisque la Super Nova intègre un moteur de Clio.

                  Petit à petit, toute la gamme Dacia intègre des moteurs Renault récents, les utilitaires se dotent de moteurs Diesel à partir de 2002. En avril 2003, une nouvelle Dacia fait son apparition, c’est la Solenza, elle est en quelque sorte une SuperNova profondément corrigée. L’équipement progresse puisque la Solenza peut s’équiper de vitres électrique, d’un ABS, d’une climatisation, etc.

                            Mais Renault ne se repose pas sur ses lauriers et prépare un autre modèle, encore plus économique mais surtout, plus moderne : la Logan. Cette voiture est développée pour être la remplaçante de la Dacia 1300 mais surtout, elle doit être la moins chère à produire pour être proposée à 5.000€ au client, elle doit être la plus fiable possible et pouvoir être réparée simplement. Cette voiture est conçue dans l’optique de l’exporter vers les marchés émergents, la voiture doit pouvoir rouler tout aussi bien sous la chaleur du Sahara que dans le froid sibérien.

                              Présentée en 2004, la Dacia Logan marque l’arrêt de l’antique Dacia 1300. Mais surtout, la Logan était attractive par son rapport qualité/prix, si bien que la voiture permet à Dacia de battre tous ses records : 164.000 unités vendues en 2005. Cette année là, la Logan est construite en Roumanie, mais aussi en Russie, Colombie, et au Maroc. La liste continuera d’évoluer au fil des ans, tout comme les marchés sur laquelle la Dacia Logan est proposée. En Juin 2005, la Logan envahie même l’Europe de l’Ouest, alors qu’elle n’y était pas destinée, et signera une nouvelle fois un important succès.

                     Pour soutenir la forte demande de Logan, Dacia cesse alors la production de tous ses anciens modèles pour ce concentrer uniquement sur la nouvelle venue. Divers variantes de la Logan sont alors développées, la Break MCV, la pick-up, ou encore la version fourgonnette.

                       En 2008, la Dacia Sandero arrive, elle marque l’arrivée de Dacia sur le marché des voitures citadines, la même année, la Logan est restylée. Puis les nouveaux véhicules s’enchainent, le 4×4 Duster arrive en concession en 2010, suivi en 2012 du Lodgy et du Docker. Dacia développe petit à petit une gamme de produits pertinents et la quasi totalité connaîtront un succès immédiat.

6 réflexions sur « L’histoire de Dacia »

  1. C’est avec intérêt que je viens de découvrir votre « Histoire de Dacia », très bien documentée, notamment sur la genèse du contrat de 1966.
    Ayant participé à une petite partie de cette « Histoire », je peux apporter quelques compléments d’information si vous le voulez bien.
    – Sur le contrat Renault 18.
    Effectivement ce contrat ne s’est pas concrétisé, mais il faut savoir qu’après de longues négociations, les deux parties étaient arrivées à un accord, notamment sur la question délicate de la compensation des achats de pièces CKD (afin d’assurer l’équilibre en devises). Celle-ci devait être assurée par des réexportations d’un produit étudié spécialement, un pick-up Renault 18 (pour le contrat Renault 12, Renault rachetait les boîtes de vitesse et trains Estafette). Les contrats étaient totalement rédigés et paraphés, la date de la signature finale était fixée, mais, au dernier moment, dans un contexte de crise économique, le « Conducator » a mis son veto…
    – Sur le contrat Renault 20.
    Jusqu’à la fin des années 70, Nicolae Ceausescu et ses principaux ministres roulaient en Mercedes. A la suite du second choc pétrolier, des mesures très strictes ont été prises vis à vis de la population, dont le rationnement en essence. Afin de montrer le bon exemple, les autorités ont supprimé brutalement ce parc de véhicules voraces en carburant (revendu en Syrie parait-il). Tout ce beau monde s’est donc retrouvé obligé de rouler en voiture « nationale », d’où ce contrat « Dacia 2000 ». Les volumes furent effectivement très faibles : il n’y a eu que 2 Dacia 2000 version 2,0 BVA de livrées (destinées à la Présidence) et seulement 20 Dacia 2000 1,6. (Le contrat prévoyait 250 véhicules). Ces dernières voitures furent expédiée en SKD (Semi Knocked Down) c’est-à-dire des built-up, légèrement déséquipés de quelques éléments (sièges etc…) afin qu’un rapide remontage locale permette de revendiquer « une fabrication nationale ».
    Cette opération fut essentiellement politique, contrairement au contrat Dacia 1300 de 1966 qui lui, a permis la motorisation du pays.
    – Sur le contrat Estafette.
    Les volumes réalisés ont été effectivement très inférieurs aux 10000 véhicules annuels prévus au contrat. Mais il est difficile de dire que ce modèle n’a pas connu de succès car dans la Roumanie communiste il n’y avait aucune entreprise privée, le seul acheteur possible de véhicules utilitaires était l’Etat.
    Une des premières préoccupations de la Roumanie de Ceausescu (en matière d’économie bien sûr …) était la rareté des devises. Ce véhicule, beaucoup moins intégré localement que la Dacia 1300, nécessitait l’importation de collections CKD couteuses en devises, le gouvernement fit donc le choix de privilégier la berline, fabriquée dans des volumes très supérieurs aux prévisions du contrat (40000 par an).

  2. Que de souvenir.
    en 1985?,mon père importait au Québec des démarreurs neufs pour les concessionnaires.
    Car le nez fracturait par grand froid.Ils ont ouvert la porte a Aro et scoda.Mais ils ne fesaient pas le poids.

    1. Merci de cette petite anecdote. Si vous avec quelques traces ou document de ces importations, n’hésitez pas à nous les faire parvenir, peut-être ferons-nous un billet sur les Dacia au Canada 😉

  3. elle devait être aussi vendu 5000 euros en France la Logan , mais surement les divers taxes de l état en a fait autrement . possesseur d une ancienne Renault douze , j ai fait réparé chez Renault , l arrière suite à un accident ,et comme le par choc ne pouvait être sauvé , ils n ont même pas chercher à me dépanner avec un par choc de 1300 Dacia à importer , alors qu ils pouvait le faire . heureusement j en ai trouver un sur le bon coin , et une bataille pour me le faire rembourser par les assurances

    1. Il n’y a pas que les taxes : rajoutez les frais de transport et l’ajout d’équipements pour plaire en France, mais aussi pour être homologuées. tout ceci fait gonfler la facture, mais le prix proposé en France restait néanmoins compétitif 😉

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